LA FONTAINE - BIOGRAPHIE
LA FONTAINE
Jean de La Fontaine Né le 8 juillet 1621 à
Château-Thierry, mort le 13 avril 1695 à Paris. Quelques uns de ses premiers essais ayant attiré l'attention de la duchesse de Bouillon, qui se trouvait à Château-Thierry, cette dame l'admit près d'elle, l'emmena à Paris et se déclara sa protectrice : elle l'appelait son Fablier. Il eut aussi pour protecteurs le surintendant Fouquet, auquel il resta fidèle dans sa disgrâce, Henriette d'Angleterre, le prince de Condé et le duc de Bourgogne ; cependant il n'obtint jamais les faveurs de Louis XIV. Il eut pout amis Racine, Molière, Bernier, la duchesse de Bouillon, Mme de La Fayette, Mme de la Sablière, chez laquelle il vécut 20 ans, Monsieur et Madame d'Hervart qui le recueillirent après la mort de madame de la Sablière. Dans ses dernières années il fut ramené à la religion, qu'il avait fort négligée toute sa vie, et se décida sur les instances de son confesseur, à supprimer quelques uns de ses ouvrages. Il avait été reçu à l'Académie Française en 1684. La Fontaine débuta par des Contes (1664) ; ces petits poèmes, dans lesquels la morale et la décence sont trop souvent offensées, étaient pour la plupart imités de l'Arioste, de Boccace et de Machiavel. Il ne commença à publier ses fables qu'en 1668, ces fables se font remarquer par un ton de naïveté, de bonhomie et en même temps de finesse qu'on ne trouve nulle part, et qui l'ont fait avec raison surnommer l'Inimitable. On a aussi de lui des Élégies, dont une admirable sur la disgrâce de Fouquet ; quelques comédies, deux opéras, un poème de Psyché, des ballades et des rondeaux, des épitaphes, des odes ( Ode pour la paix ). La plus estimée des éditions des Oeuvres complètes de La Fontaine est celle de Walckenaër avec commentaires, 6 vol. in-8 1822 et 1827. L'éditeur a publié à part une Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, 1820 et 1824. Chamfort a donné un Éloge de La Fontaine. LA FONTAINE PAR VAUVENARGUES
« Lorsqu'on a entendu parler de La Fontaine, et qu’on vient à lire ses ouvrages, on est étonné d’y trouver, je ne dis pas plus de génie, mais plus même de ce qu’on appelle de l’esprit, qu’on n’en trouve dans le monde le plus cultivé. On remarque avec la même surprise la profonde intelligence qu’il fait paraître de son art, et on admire qu’un esprit si fin ait été en même-temps si naturel. Il serait superflu de s’arrêter à louer l’harmonie variée et légère de ses vers ; la grâce, le tour, l’élégance, les charmes naïfs de son style et de son badinage. Je remarquerai seulement que le bon sens et la simplicité sont les caractères dominans de ses écrits. Il est bon d’opposer un tel exemple à ceux qui cherchent la grâce et le brillant hors de la raison et de la nature. La simplicité de La Fontaine donne de la grâce à son bon sens, et son bon sens rend la simplicité piquante : de sorte que le brillant de ses ouvrages naît peut-être essentiellement de ces deux sources réunies. Rien n’empêche au moins de le croire ; car pourquoi le bon sens, qui est un don de la nature, n’en aurait-il pas l’agrément ? La raison ne déplaît dans la plupart des hommes que parce qu’elle y est étrangère. Un bon sens naturel est presque inséparable d’une grande simplicité ; et une simplicité éclairée est un charme que rien n'égale. Je ne donne pas ces louanges aux grâces d’un homme si sage pour dissimuler ses défauts. Je crois qu’on peut trouver dans ses écrits plus de style que d’invention, et plus de négligence que d’exactitude. Le nœud et le fond de ses contes ont peu d’intérêt, et les sujets en sont bas. On y remarque quelquefois bien des longueurs, et un air de crapule qui ne saurait plaire. Ni cet auteur n’est parfait dans ce genre, ni ce genre n’est assez noble. » Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (1715-1747), moraliste français, Introduction à la connaissance de l'esprit humain suivie de Réflexions et maximes (1746), Réflexions critiques sur quelques poètes.
LA FONTAINE PAR Émile FAGUET de l'académie française 1890 I SA VIE Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry, à quelques lieues de la Ferté-Milon, où devait naître son ami Racine. Il est né le 8 juillet 1621, le premier des « quatre amis », Molière étant de 1622, Boileau de 1636 et Racine de 1639. Ses parents étaient de modestes bourgeois. Il fut élevé dans sa petite ville, presque à la campagne, courant les prés et les bois, prenant goût aux choses des champs, aux beaux ombrages, aux eaux vives, aux scènes rustiques ; voyant monter péniblement par le chemin « sablonneux, malaisé, » « le pauvre bûcheron tout couvert de ramée, » guettant « l'alouette à l'essor, dans les blés quand ils sont en herbe; » surprenant le lièvre « en son gîte songeant, » ravi du silence et de la paix qui règne sur les étangs « et leurs grottes profondes; » suivant les bords des ruisseaux, « quand l'onde est transparente ainsi qu'aux plus beaux jours, » ou quand « d'aventure » un léger vent « fait rider la face de l'eau ; « contemplant, « à l'heure de l'affût, » les lapins » l'œil éveillé, l'oreille au guet », qui vont « faire à l'aurore leur cour parmi le thym et la rosée. » Ces choses l'enchantaient. Longtemps plus tard c'est pour les peindre qu'il trouve ses plus beaux vers : L'innocente beauté des jardins et du jour Il serait resté volontiers dans ces lieux si chers. Il fut admirablement accueilli. Sa conversation était charmante avec les gens qu'il aimait, et il aimait les gens d'esprit et les gens du monde. Fouquet, le surintendant des finances, le pensionna, à la charge d'une ballade par mois à rimer ; les nièces de Mazarin, et particulièrement la duchesse de Bouillon, lui firent fête. Le beau monde s'engoua de lui. Non qu'il fût alors un grand poète. Son génie ne se déclara que vers la quarantaine, à l'époque de la disgrâce de Fouquet (1661) ; mais il était délicieusement aimable dans un petit cercle de gens bien nés et qui savaient le mettre à l'aise. II était enjoué avec un air de naïveté, et spirituel surtout pour louer agréablement. Personne n'a su tourner les compliments comme lui. Les siens sont faits de véritable affection, avec un grain de malice dans une galanterie fine et caressante, Fouquet fut frappé. Ce poète de salon montra qu'il avait du cœur. Les premiers vers de génie qu'il écrivit lui furent inspirés par l'amitié et la gratitude. L'Élégie aux Nymphes de Vaux, supplique à Louis XIV en faveur du proscrit, renferme déjà des vers qui sont vraiment de La Fontaine : Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles, Pour se distraire d'un coup si sensible, La Fontaine fit un voyage en Limousin, dont il écrivit la relation dans une sorte de journal moitié vers, moitié prose, adressé à Madame, ou, comme on disait alors, à Mademoiselle de La Fontaine, sa femme. Cette relation est amusante, spirituelle, d'un tour aisé, quelquefois touchante. La Fontaine se fait montrer, par exemple, à Amboise, la prison où avait été enfermé Fouquet. Il reste à rêver devant la porte du cachot. « La nuit me surprit en cet endroit... » Tout le passage est d'une douleur vraie et simple, qui émeut profondément. Sa vie, à partir de cette époque, n'offre aucun incident. Il loge à Paris, chez des amis dévoués, qui lui épargnent le soin, dont il était absolument incapable, de s'occuper de ses affaires, chez la duchesse de Bouillon, chez Mme de La Sablière ensuite, et le plus longtemps, puis chez Mme d'Hervart. Il est, de 1659 à 1665 environ, de la société des « quatre amis », ou plutôt des cinq : Molière, La Fontaine, Boileau, Racine et Chapelle. Il reste toujours l'ami de Molière, de Racine et de Boileau, même après que Racine et Molière se furent séparés. Il était très recherché des Condé, des Conti, de La Rochefoucauld, de Mme de Sévigné, gâté plus tard par les Vendôme. La cour lui était, cependant, fermée, parce que Louis XIV ne l'aimait pas. La Fontaine avait, d'abord, à la prière de la duchesse de Bouillon, puis entraîné par son succès et par son goût propre, rimé des contes dans la manière italienne. Louis XIV ne goûtait pas ce genre, et sa répulsion alla si loin que ce fut une affaire d'État que la nomination de La Fontaine à l'Académie française. Il y eut d'abord une lutte très vive au sein de l'Académie. Boileau et La Fontaine se trouvaient en concurrence. Le parti de la cour était pour Boileau. Le parti des purs littérateurs, soutenu de toutes les victimes de Boileau, était pour La Fontaine. On discuta avec aigreur. Benserade luttait avec énergie pour La Fontaine : « Allons ! il vous faut un Marot ! » lui crie-t-on : « Et à vous une marotte ! » réplique-t-il gaillardement. Enfin La Fontaine fut élu ; mais le roi, qui avait le droit de ratification, refusa son agrément à cette élection. Une autre vacance s'étant produite dans le courant de l'Tannée, Boileau fut nommé. Le roi dit alors aux délégués de l'Académie : « Le choix que vous avez fait de M. Despréaux m'est fort agréable. II sera approuvé de tout le monde. Vous pouvez maintenant recevoir M. de La Fontaine. Il a promis d'être sage » (1684). Le reste de la vie du poète s'écoula sans rien de notable. Cette existence tranquille, sans incidents, qui ne contenait d'autre événement qu'un poème nouveau, une fable charmante ajoutée à tant d'autres, un conte rimé lestement pour un groupe d'amis rieurs, une promenade dans les bois au printemps, « quand les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie, » une petite visite à l'Académie française, où il allait « afin que cela l'amusât » (pour se distraire), cette existence, simple et comme enfantine, l'avait conduit insensiblement et sans secousse de la jeunesse insouciante à la vieillesse un peu triste, non chagrine, et toujours entourée d'affections dévouées et attentives. Il écrivit jusqu'au dernier jour, toujours passionné pour son art et fidèle à ses douces et légères muses. Il mourut chrétiennement, mais en poète et en distrait, comme il avait vécu, déclaré digne de l'indulgence de Dieu par sa garde-malade, sur ce qu'il était « si simple que Dieu n'aurait pas le courage de le damner. » C'était en 1695. Il avait près de 74 ans. Il était de l'Académie depuis onze ans. Il écrivait depuis cinquante ans, et depuis trente-cinq des chefs-d'œuvre. Molière l'avait précédé depuis douze années dans la tombe. Racine allait l'y suivre. Il avait vu Les Femmes savantes, Le Misanthrope ; il venait de voir Athalie. A vivre davantage, il aurait vu les Fables de La Motte. Il pouvait mourir. II SON CARACTÈRE Ce qui domine au XVIIe siècle, c'est l'esprit de société et ses suites naturelles, mesure et finesse de goût, bienséance de langage, sentiments un peu artificiels, oubli ou méconnaissance de la nature primitive, noblesse de ton, mépris des choses basses et vulgaires. — Cela est vrai, et le contraire n'est pas loin d'être vrai aussi ; car ce siècle a adoré La Fontaine, qui est tout l'opposé de cet esprit-là. Grands seigneurs, grandes dames et grands écrivains ont à l'envi chanté les louanges de ce poète modeste, si incapable de se faire valoir. Racine, Boileau, Molière (surtout), Fénelon, La Bruyère, La Rochefoucauld, Mme de Bouillon, Mme de La Sablière, Mme de Sévigné (avec des ravissements), sans compter Benserade, Segrais, Huet, Mme de La Fayette, se sont récriés d'admiration devant les histoires simples et apparemment enfantines du « bonhomme. » C'est qu'il est certain que cette société polie avait été élevée à l'école des élégances de salon et du ton noble des cours, et qu'aussi elle avait, vers 1660, un secret et sensible désir de retour au naturel, que Racine en partie, Molière beaucoup, La Fontaine en toute perfection, ont amené. A cette société il fallait des artistes non plus comme Voiture et Benserade et Segrais lui même, élevés dans son sein et par elle, mais élevés ailleurs et par eux-mêmes, et capables de rajeunir l'art par le sentiment de la nature et du simple. La Fontaine était plus que tout autre le poète inattendu et instinctivement désiré. C'est un provincial, un homme de petite ville, presque un campagnard, venu tard à Paris, dont l'éducation s'est faite toute seule, au hasard des rêveries et des entraînements de son imagination. Rien, en lui, n'a ployé le naturel, imposé un moule, marqué une empreinte artificielle. Aussi, et c'est le premier trait, aucun pli n'a été pris. Il est infiniment inégal et inconstant. À une époque où chacun se fixe dans un genre et s'y retranche, où chacun est un caractère et répond à un portrait, il est changeant et insaisissable. Il s'essaie à mille sujets divers : Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles... Cette inconstance ne venait pas d'un prompt dégoût de chaque chose ; au contraire, elle tenait à un penchant à aimer tout ce qui produit une sensation douce et forte, ce qui est la marque même de l'artiste. Ce penchant est ce qu'il appelle volupté : Volupté ! Volupté qui fus jadis maîtresse Et plus loin : II n'est rien Ce caractère était particulier à cette époque. Pour peu que La Fontaine eût été d'humeur susceptible et difficile, il eût vécu absolument isolé. Il eût pu lui arriver ce qui, un siècle plus tard, arriva à Rousseau. Mais il avait un fond de bonté confiante qui le fît au contraire rechercher. On l'aima ; on respecta son originalité parce qu'il n'eut jamais la sottise de la vouloir imposer ou étaler ; il eut cette fortune de vivre dans une société brillante, et d'être aimé d'elle, sans être obligé de s'y asservir. Elle ne lui fit qu'une seconde éducation aussi libre que la première. Il y garda son amour de la nature et de la naïveté, son allure libre et sa grâce abandonnée. Il y prit une certaine politesse qui lui manquait, le goût des entretiens délicats, une certaine philosophie de poète, brillante et gaie, une certaine réserve même, enfin le goût de la perfection de la forme, qu'il acquit sans rien perdre de son naturel. De tout cela s'est formée très tardivement, de quarante à quarante-cinq ans, une exquise complexion de poète, forte et douce, réfléchie et naïve naturelle et fine, capable de tout sentir, et aimant à indiquer seulement d'un trait les sensations les plus fortes et profondes, une merveille de vigueur assouplie, de grâce tendre qui ne sait pas s'abandonner jusqu'à la mollesse, une rencontre de qualités diverses en un point juste et une parfaite harmonie, comme il n'y en a pas deux peut-être dans l'histoire de l'art. C'est ainsi qu'il a apporté à la société du XVIIe siècle des sentiments nouveaux, dans une forme nouvelle aussi, mais qui n'était pas d'un novateur, et qui fut acceptée sans résistance. C'est le sentiment de la nature d'abord, ce qu'on a trop dit, mais ce qui ne laisse pas d'être en partie vrai. Ce sentiment, Malherbe et Racan l'avaient eu, Mme de Sévigné l'avait, Fénelon n'est pas sans en donner de sensibles marques. Poussin, Claude Lorrain sont de grands paysagistes. Ce qu'il faut dire, c'est que ce sentiment n'était pas général, ni même très répandu. La Fontaine en fut pénétré. Ses fables sont toutes mêlées de ses souvenirs de promeneur solitaire. Paysages gracieux et sobres, une chaumine, un ruisseau aux joncs penchants, un char embourbé dans la lande, un petit enclos campagnard, moitié jardin, moitié potager, un troupeau à midi, endormi, moutons, chien, berger et houlette, un crépuscule, une aube, l'heure de l'affût à la lisière d'un bois : voilà les fraîches senteurs des champs, des prés, des forêts et des eaux que La Fontaine apportait, sans indiscrétion ni fracas à la Rousseau, dans les salons et ruelles de cette société polie et un peu dédaigneuse. C'était encore une nuance nouvelle de l'amour, non plus cet amour de tête, comme on a dit, qui est de mode au commencement du XVIIe siècle, où l'imagination et l'esprit entraient pour beaucoup, et qui inspirait ou les raffinements guindés des tragédies, ou les fadeurs laborieuses du madrigal, mais l'amour naïf, avec une nuance bien française de grâce malicieuse et de finesse légère. Ses compliments, qui servent d'avant-propos à certaines fables, ont un abandon, des longueurs caressantes, relevées par un trait piquant, un charme insinuant et enveloppant; où se cache à moitié et se révèle à demi une tendresse vraie, une jeunesse de cœur, discrète encore, mais vive et fraîche, presque inconnue en son temps, rare en tout temps. Il s'y mêle quelquefois une nuance de mélancolie (Les Deux Pigeons), dans une mesure étonnante, s'arrêtant juste où le regret devient souffrance et blesse à se trahir, ou s'étaler. L'amitié elle-même, ce sentiment grave, qui ne semble pas poétique, qui a inspiré très peu de belles pages, que Montaigne seul chez nous a exprimé avec une profondeur émouvante, La Fontaine lui donne tout le charme que d'autres savent donner à de plus tendres engagements, que Mme de Sévigné prête à l'amour maternel. Les Amis du Monomotapa ont la grâce d'une idylle ou d'une élégie, avec des délicatesses charmantes : Qu'un ami véritable est une douce chose ! Et cette « société des quatre amis, » c'est lui qui l'a nommée ainsi pour la postérité, et des quatre, c'est lui seul qui a senti le besoin d'en parler, et qui l'a peinte d'une touche légère et douce, avec discrétion, mais sans une ombre, avec la complaisance attendrie d'un cœur ému des plaisirs délicats qu'il à donnés. III L'ÉDUCATION DE SON ESPRIT Ses études aussi ont été originales ; car il a porté son caractère dans sa manière d'apprendre. Il a étudié seul d'abord, non pas en élève de Descartes, du collège de Navarre, de Port-Royal ou de Gassendi. Il a étudié, ensuite, avec cette inconstance passionnée qu'il a portée en tout. Il a découvert tous ceux qu'il a étudiés. On connaît la scène de Baruch. Il lit Baruch à vêpres, et puis, tout enflammé, court partout : « Avez-vous lu Baruch ! Mais lisez Baruch ! Quel homme que ce Baruch ! » Mais cette scène, c'est la vie entière de La Fontaine. Vingt fois, surtout dans sa jeunesse, elle s'est renouvelée. Une ode de Malherbe l'enflamme, et le voilà poète; Voiture le ravit. Maucroix lui ouvre les anciens, et le voilà amoureux de Platon. Héricourt, chanoine de Soissons, lui prête quelques livres de piété, il songe sérieusement, et avec passion, à la vie ecclésiastique. Dans son âge mûr, Mme de La Sablière le jette dans Descartes. Il le réfute, en le louant avec enthousiasme : Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu chez les païens, et qui tient le milieu entre l'homme et l'esprit... » II a lu les Italiens avec délices. Seul des hommes de lettres du XVIIe siècle, il connaît non seulement les poètes du XVIe siècle, mais encore Rabelais, Despériers et l'auteur de l'Avocat Pathelin. II a lu des inconnus, Martial d'Auvergne, Aurelius Victor, et y trouve quelque chose à glaner, dont il fait des chefs-d'œuvre (Le Paysan du Danube). Il paraît assuré aux érudits qu'il a lu certaines branches du Roman de Renart, ou au moins quelque compilation en prose de ces branches, faite au XVe siècle. Et tout cela avec le feu d'un homme qui va à la découverte et qui s'engoue de tout son cœur. Il parle d'un auteur favori avec un cri de passion : « Malherbe avec Racan, parmi les chœurs des anges, ont emporté leur lyre, et j'espère qu'un jour j'entendrai leurs concerts au céleste séjour. » — «. Pour chanter leurs combats (des renards), Achéron nous devrait rendre Homère. Ah ! s'il le rendait !... » II parle avec effusion à Huet de ses lectures : Art et guides, tout est dans les Champs Élysées. Le voilà tout classique, tout entêté d'antiquité, exclusif. — Que non pas ! Quelques vers plus loin : Je chéris l'Arioste et j'estime le Tasse... Et enfin : J'en lis qui sont du Nord, et qui sont du Midi. Des études ainsi faites eussent été fatales à un autre. Aussi dispersé dans ses lectures que dans ses relations mondaines, il avait son originalité invincible, une puissance intime qui ramassait et concentrait toute cette diffusion. Il le savait bien, et, avec sa grâce aimable, a su le dire : « Je ne prends que la fleur. » Sur mille et mille fleurs l'abeille se repose IV SA MÉTHODE Comment a-t-il fait son miel, et comment transformé en un ouvrage d'une originalité incomparable ce qu'il a emprunté à tout le monde ? Car il est bien vrai qu'il n'a inventé aucun sujet. Il ne s'est jamais ni piqué ni soucié d'imaginer le fond. Il a pris ses fables, pour ne parler que de celles-ci, à Bidpaï et aux conteurs indiens ; à Ésope, à Phèdre, et à quelques conteurs français. Quelle méthode de transformation a-t-il suivie ? Il a beaucoup cherché à s'en rendre compte, et un peu à s'en excuser. Il sentait bien, d'une part, qu'il avait constamment des modèles sous les yeux ou dans la mémoire, et, d'autre part, qu'il leur était infidèle à chaque instant. De là une foule de réflexions qu'il jette ça et là sur sa manière de traiter les sujets que d'autres avaient maniés avant lui. Dans la fable, il est parfois timide. La fable est un genre qui a été traité par les anciens, et il « adore » les anciens, et il sent bien qu'il les dénature absolument dans sa manière nouvelle de composer une fable. Il le dit modestement dans sa préface, donnant pour une infériorité et une impuissance, ce qui est originalité et supériorité de génie. Il s'excuse sur la nécessité de plaire au goût moderne, et aussi de peindre les mœurs. Quelquefois il s'enhardit, et indique à mots couverts, avec une bonne grâce modeste encore, déjà un peu malicieuse, les défauts de ces modèles : brièveté excessive, concision qui détruit l'intérêt : Mais sur tous certain Grec ( Babrias ) renchérit, et se pique
Ailleurs il marque sa méthode d'imitation avec netteté et explicitement : Mon imitation n'est point un esclavage. Trouve-t-il certain trait qui puisse, sans effort, s'accommoder au goût moderne, et prendre, à ce titre, place dans son ouvrage ? Je l'y transporte, et veux qu'il n'ait rien d'affecté, Enfin, dans la fable I du livre V, véritable profession de foi littéraire de La Fontaine, il indique, avec modestie encore, mais dans toute son étendue, ce qu'il a voulu faire, c'est à savoir instruire, plaire, attaquer les vices ou les travers par les ridicules, agrandir la fable antique, et la transformer en Une ample comédie, à cent actes divers, On voit que La Fontaine, sans s'en vanter le moins du monde, a bien conscience de la transfiguration de l'antique apologue entre ses mains. Il sait qu'il est libre en son imitation, qu'il veut autant plaire qu'instruire, qu'il orne les récits anciens, qu'il les allonge et les agrandit, qu'il transforme enfin la fable en comédie, c'est-à-dire en récit dramatique, où les personnages ont des physionomies nettes, des caractères bien étudiés et bien composés, et où le dialogue prend une grande place. L'idée qu'il donne lui-même ainsi de sa méthode est à peu près complète. Il n'a oublié qu'un point. II s'est oublié lui-même, comme il faisait toujours. Le plus grand changement qu'il ait fait dans la fable consiste en ce que, dans le récit sec et bref des anciens, d'où la personne de l'auteur est toujours absente, il s'est introduit lui-même, avec son humeur, son esprit, ses sentiments, ses idées, son allure, et comme le ton dte sa voix et son geste. Il mêle ses réflexions à tous ses récits. Il vient d'employer le mot engeigner: « J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui ; il m'a toujours paru d'une énergie extrême. » — « Je ne suis pas de ceux qui disent : ce n'est rien ; c'est une femme qui se noie. » — « Quand je songe à cette fable dont le récit est menteur... » — « On conte qu'un serpent voisin d'un horloger (c'était pour l'horloger un mauvais voisinage). » — Telle prétendue fable n'est qu'une conversation sur La Fontaine et ses adversaires, vrais ou supposés. (Contre ceux qui ont le goût difficile.) •— Ses « moralités » ont toujours le caractère de réflexions personnelles : « Trompeurs, c'est pour vous que j'écris. » — « Je blâme ici plus de gens qn'on ne pense. » — Quelquefois la « moralité » n'est qu'une véritable confidence et effusion de l'auteur, et se tourne en élégie. «... J'ai quelquefois aimé ; je n'aurais pas alors... » La fable ainsi conçue n'est pas autre chose qu'un récit, où une partie de l'intérêt est dans la personne de celui qui raconte, et dans son air. C'est proprement un conte, et en effet les fables de La Fontaine sont des contes. Il a seulement, guidé par son goût, moins cédé à sa nonchalance dans les Fables, et pressé un peu le mouvement. Il y a des longueurs dans les Contes ; il y en a très peu dans les Fables, sauf les dernières. Mais, au fond, c'est même chose, un récit fait par un homme aimable et enjoué, mêlé de réflexions où il laisse voir ses propres impressions et ses sentiments intimes. Dans la narration ainsi comprise, le principal personnage est l'auteur. Il n'y a pas d'art moins impersonnel. Le jeu était périlleux. Mais il faut avouer que les mêmes règles sont vraies ou fausses selon les artistes qui s'y soumettent ou s'y dérobent. C'est le même homme qui a dit : « Le moi est haïssable » et: « on est tout étonné et ravi, quand on croyait trouver un auteur, de trouver un homme. » Or le moyen pour un auteur de montrer l'homme, sinon de se mettre, non pas en scène, mais en confidence et comme « de plain-pied avec son lecteur » ? (Fénelon.) Le moraliste ne peut guère faire autrement ; car c'est surtout en soi qu'on étudie l'homme. Montaigne a procédé ainsi. La Fontaine a traité la fable en conteur et en moraliste, et comme Montaigne l'aurait traitée. Il y a réussi, parce que ce qui serait péril pour un autre est avantage pour lui, parce qu'il ne risque rien, lui, et gagne tout, à se faire connaître, à se montrer à nous parmi toutes ses inventions. De là son succès à rendre sien l'air des autres, à imiter sans esclavage. La fable, et c'est un bonheur pour nous, ne lui est presque qu'un prétexte à laisser aller son cœur, sa malice, son esprit, sa fine et exquise imagination. Il est l'auteur qui a mis le plus de lui-même dans un genre où il était presque de règle qu'il ne se mît pas, et c'est justement ainsi qu'il en a fait un genre poétique, parce qu'il est tout poésie. V LA COMPOSITION DANS LES FABLES De la méthode de La Fontaine dérive sa manière de composer. La composition au XVIIe siècle est toute didactique. Considérer une œuvre d'art comme une idée générale à prouver, c'est-à-dire à entourer de toutes les idées particulières qui la soutiennent, la fortifient ou l'illustrent, voilà la méthode de composition presque universelle autour de La Fontaine. Satires, épîtres, discours, sermons, œuvres dramatiques quelquefois (le Tartuffe et les Femmes savantes sont des conférences sur l'hypocrisie et sur le bel esprit) ; histoire presque toujours (L'Histoire universelle de Bossuet est un discours, c'est-à-dire une dissertation) ; poème épique dans les idées de la critique du temps (on considère l'Iliade comme une argumentation par un grand exemple destinée à montrer aux Grecs les funestes effets de la discorde) ; presque tous les genres enfin comportent, dans les théories de l'époque, une composition didactique. Cette méthode de composition s'offrait à La Fontaine naturellement, puisque l'apologue est la démonstration d'une maxime par un exemple. Rien ne prouve l'originalité invincible de La Fontaine comme sa conduite en cette affaire. Tout le poussait à adopter l'ordre logique : le genre du sujet, l'exemple de ceux qu'il croyait ses modèles, le goût universel de son temps. Il a résisté. A la composition logique et didactique, il a substitué une composition insaisissable à première vue et pourtant très forte. Il a fait de la fable une causerie, comme noue l'avons déjà montré. Or quelle peut être l'unité d'une causerie ? C'est l'unité de sentiment. Promener le lecteur, en apparence sans but et sans règle, et faire en sorte que tout l'ouvrage se ramène à un sentiment unique qui circule à travers tout le corps de l'œuvre et l'anime, voilà en quoi consiste l'unité d'une fable de La Fontaine, voilà toute sa composition. Lisons Les Deux Pigeons. La fable en soi est peu claire. Est-ce de deux amis, de deux frères, de deux époux qu'il est question? Il semble que La Fontaine ne le sache pas lui-même, et il est bien vrai qu'il s'en soucie peu. Mais un seul sentiment est partout, et il n'est pas un mot qui n'y ramène : c'est l'horreur des lointaines équipées, des courses aventureuses, de la vie livrée aux hasards ; l'instinct, le goût, le désir et le regret du foyer ; et quand l'épilogue arrive, — en pure logique il ne rime à rien cet épilogue, où le poète se souvient de ses beaux jours passés et se demande si sa jeunesse est finie, — la conclusion paraît toute naturelle, parce que le lecteur éprouve pleinement ce sentiment que le bonheur est dans la maison, et se dit, à entendre les plaintes du poète : voilà un homme qui a été pigeon voyageur, qai a souffert du foyer quitté, de la vie hasardeuse ; et peu importe que le récit soit contradictoire si le sentiment est profond, et si l'on n'a songé à rien autre chose qu'au sentiment. Bien des fables sont composées ainsi. On n'a qu'à lire à ce point de vue Le Chêne et le Roseau, L'Âne chargé d'éponges, Le Jardinier et son Seigneur, L'Alouette et ses Petits avec le Maître d'un champ. A peine dans les premières fables (la plupart de celles des deux premiers livres) le récit l'emporte sur l'effusion libre d'un sentiment réveillé par une anecdote, et dont l'anecdote finit par n'être plus que l'occasion. Cette méthode si nouvelle n'a étonné que les purs logiciens (Patru, Boileau). Tel était le charme propre de La Fontaine qu'il a enchanté les esprits, et qu'ils n'ont pas eu la liberté d'analyser ses ouvrages, et de remarquer à quel point ceux-ci s'écartaient des règles courantes, pour rentrer dans la règle éternelle, qui est de toucher, d'émouvoir et de faire passer son âme dans l'âme d'autrui. LA FONTAINE ÉCRIVAIN Le style de La Fontaine, comme celui de tous les écrivains originaux, est un style créé par l'auteur, continuellement puisé à des sources nouvelles, ou oubliées. Non point que ce style soit très métaphorique, ce qui est le moyen ordinaire aux grands écrivains de créer à leur usage une langue nouvelle. Au contraire, le goût du mot propre est le penchant dominant de La Fontaine. Son art consiste à appeler les choses par leur vrai nom, en donnant au terme propre une valeur inattendue par le reflet sur lui des mots qui l'entourent. Personne mieux que lui n'a connu le pouvoir d'un mot mis en sa place. Il dit: la « chaumine enfumée » ; mais tout le morceau est du ton d'un langage de paysan, et le mot chaumine non seulement passe, mais était le mot nécessaire. — II dit : « tirant sur le grison,., il avait du comptant .. on l'allait testonnant », style trivial, en harmonie avec la trivialité du personnage. —II dit : « avorton, excrément. » Même méthode à l'inverse : expressions triviales au milieu d'un récit épique, pour produire un effet de contraste, qu'il a comme souligné, du reste : « Et cette alarme universelle est l'ouvrage d'un moucheron. » — Il donne à un mot ordinaire une valeur extrême, sans métaphore proprement dite, en le transportant de son emploi accoutumé à un autre, où il est encore le mot juste, mais imprévu : ... Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit, Le chien sur cette odeur ayant philosophé... Son style pittoresque est de même sorte. Il peint par le mot juste aidé de la disposition des mots entre eux. Peu de comparaisons, peu de figures, des termes propres bien assemblés : « La dame du logis avec son long museau. » — Le chat « marqueté, longue queue, une humble contenance, un modeste regard, et pourtant l'œil luisant. » — Le mulet qui « marchait d'un pas relevé en faisant sonner sa sonnette ». On lui lia les pieds, on vous le suspendit (l'âne) ; Ici une comparaison, mais combien courte, neuve, imprévue et exacte ! Le tour de phrase de La Fontaine est une nouveauté et presque une révolution dans l'art d'écrire en vers au xvne siècle. Le discours en vers au XVIIe siècle est un peu lent et d'allures posées, sinon pesantes. Les plaisanteries de Boileau, qui a de l'esprit, sont assénées d'une main sûre, mais un peu lourde. Le vers de Corneille est vigoureux, d'une admirable plénitude, mais compacte : le vers de Racine est plus aisé, mais de tour presque constamment noble, et de mouvement un peu lent. On n'a pas assez remarqué qu'en vers Molière a le moule oratoire, une rhétorique très brillante, mais une rhétorique avec le développement, l'amplification, la progression, et un peu de l'appareil embarrassant que tout cela entraîne. Dans un seul chef-d'œuvre, Amphitryon, il a dénoué le vers d'épître ou de discours en vers dont il a coutume de se servir, et Amphitryon est de la même année que les premières fables (1668). La Fontaine lui-même, dans ses Contes, très remarquables de style du reste, et qu'on peut bien approuver à ce titre, puisque Mme de Sévigné les admirait, ne laisse pas d'avoir des avant-propos un peu traînants, des explications enveloppées, de ces « longueries d'apprêts » dont parie Montaigne. Dans les Fables, il cause avec la nonchalance aimable d'un entretien familier, mais les parties narratives sont d'une vivacité et d'une brièveté étonnantes. Il y a là des tours qui ont une concision incroyable sans jamais cesser d'être clairs, des raccourcis d'une prodigieuse aisance. Ses débuts et ses dénouements sont alertes et enlevés d'un mouvement merveilleux : Deux coqs vivaient en paix, une poule survint, Un paon muait, un geai prit son plumage... Permette, sur sa tête ayant un pot au lait, Au troisième vers nous sommes en plein récit. Un mort s'en allait tristement, Même procédé pour la conclusion. Voyez la fin de la fable le Chêne et le Roseau : L'arbre tient bon, le roseau plie, Au cours même du récit, il y a des vivacités de tour tout originales, du même genre : « II avait dans la terre une somme enfouie, son cœur avec. » — « Dans sa cave il enserre l'argent, et sa joie à la fois. » — On n'a jamais eu en France, même dans les poésies légères de Voltaire, l'image d'une liberté plus souveraine, l'exemple d'un maniement plus aisé des mots, des tours et des mouvements du style, avec une clarté absolue et une sûreté infaillible. Le maniement des rythmes n'est pas moins merveilleux. Il faudrait une étude entière pour en donner une idée complète. Nous n'en dirons que quelques mots. La Fontaine est presque le seul des poètes classiques qui ait senti toutes les ressources du rythme, et tout ce qu'on en peut tirer pour donner à l'idée ou au sentiment toute sa force. Il a connu et a presque révélé l'harmonie du vers pris en soi, du vers considéré comme une phrase musicale, comme un choix de sons destinés à jeter l'esprit dans un certain état voulu par le poète. Tel vers de La Fontaine est un tableau, par le seul effet des sonorités légères et chantantes, ou sourdes et graves, qu'il met dans l'oreille. Sans goûter le plaisir des amours printanières, Quand les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie. Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, Sur les humides bords des royaumes du vent. Avec grand bruit et grand fracas, Mais c'est plus encore l'arrangement des vers entre eux qui fait le rythme. La Fontaine y est passé maître. Il raconte par le rythme. Il peint par le rythme. — Il raconte par le rythme, c'est-à-dire qu'il donne, par l'arrangement des vers, des coupes, des rejets et des enjambements, la sensation de la rapidité ou de la lenteur, du continu ou du brisé, du facile ou du pénible de l'action : Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, « C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants. » Tout Le Lièvre et la Tortue est une narration par le rythme. —Il peint par le rythme. Il ne fait pas de l'harmonie imitative proprement dite, procédé puéril et assez ridicule, qui prétend imiter les bruits de la nature par le son des mots ; mais il produit par le rythme une impression analogue à celle que l'objet ferait sur nous, suivant d'avance le conseil de Lessing, qui ne veut pas que le poète peigne, mais qu'il suggère au lecteur l'état d'esprit où un tableau le mettrait. Par exemple, il donne la sensation d'une foule grouillante et fourmillante par un cliquetis de petits vers à rimes redoublées : Et l'on ne voyait pas, comme au siècle où nous sommes. Il a des sonorités larges et pleines pour exprimer une explosion de joie triomphante : L'insecte du combat se retire avec gloire ; Son vers dans le dialogue se brise à la place juste où l'imprévu de la coupe donne au mot important une valeur double : Chemin faisant, il vit le col du chien pelé. Le poète a si bien l'instinct du rythme, que, quand le sujet s'élève, la strophe apparaît, et il improvise une manière de poème lyrique, une sorte d'ode libre dont il est le véritable inventeur. Il y a trois strophes de longueur inégale, de même mouvement et de même rythme dans l'épilogue des Deux Pigeons. Il y a une strophe très ample, d'un rythme et d'une chute très marqués, dans la Mort et le mourant, à partir de ; Et le premier instant où les enfants des rois... On peut multiplier ces remarques dont le fonds est inépuisable. Nous n'en avons pas assez dit pour notre plaisir, assez peut-être pour donner une idée d'ensemble d'un des plus grands poètes français, et du premier maître ouvrier en vers que nous possédions. Émile Faguet (1847-1916).
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D.R. BELAIR
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