SOCRATE - BIOGRAPHIE
SOCRATE
Socrate, Remplissant tous ses devoirs de
citoyen, soit à la paix, soit à la guerre, il se distingua par son courage en
plus d'une occasion, notamment à Tanagre, et à la bataille de Délium, où
il sauva la vie à Xénophon et à Alcibiade ; il donna l'exemple de toutes les vertus,
soit publiques, soit privées, et se signala par son.désintéressement, sa générosité,
son égalité d'âme ; on sait que, dans son intérieur, sa femme Xantippe mit plus
d'une fois sa patience à l'épreuve ; il mérita enfin d'être proclamé par l'oracle
de Delphes le plus sage des hommes. Socrate disait avoir un génie particulier qui le dirigeait dans sa conduite : on ne sait si c'était là une ruse employée pour donner plus de poids à ses conseils, ou si ce n'était pas plutôt une illusion qui lui faisait prendre pour une inspiration divine les aperçus rapides et sûrs de sa haute raison. Socrate marque dans l'histoire de la philosophie une époque nouvelle. Il détourna les philosophes des spéculations oiseuses ou trop élevées auxquelles ils s'étaient livrés jusqu'à lui, et les engagea à ne s'occuper que de l'homme et de la morale, répétant sans cesse cette maxime : Connais-toi loi-même ; il combattit les sophistes qui discouraient sur toutes choses, et prétendaient ne rien ignorer : il disait que, pour lui, tout ce qu'il savait c'est qu'il ne savait rien. Il créa la science de la morale, distingua les différentes sortes de vertus (prudence, tempérance, force, justice), recommanda la pratique du bien comme le plus sûr moyen d'arriver au bonheur ; il démontra par de nouveaux arguments l'existence d'un Dieu, d'une Providence et l'immortalité de l'âme. Il employait dans ses entretiens une méthode d'interrogation connue sous le nom d'ironie socratique, qui lui servait tantôt à confondre ses adversaires en les conduisant de réponses en réponses à de ridicules absurdités, tantôt à instruire ses disciples en leur faisant découvrir par eux-mêmes des vérités qui étaient comme cachées dans leur esprit : il se disait en cela l'accoucheur des esprits, par allusion à la profession de sa mère. Du reste, il ne tenait point d'école proprement dite et ne recevait aucun salaire. Socrate compta parmi ses disciples Xénophon, qui se borna à reproduire fidèlement ses doctrines ; Platon, qui créa un système entier de philosophie; Antisthène, père des Cyniques ; Aristippe, qui prêcha une morale relâchée ; Phédon, Euclide, Criton et une foule d'autres. Xénophon nous a conservé dans ses Memorabilia de précieux détails sur Socrate; Platon le met en scène dans tous ses dialogues, mais il lui prête le plus souvent ses propres idées. François Charpentier a donné la Vie de Socrate, Amsterdam, 1699. SOCRATE PAR VOLTAIRE
Le moule est-il cassé de ceux qui aimaient la vertu pour elle-même, un Confucius, un Pythagore, un Thalès, un Socrate ? Il y avait de leur temps des foules de dévots à leurs pagodes et à leurs divinités, des esprits frappés de la crainte de Cerbère et des Furies, qui couraient les initiations, les pèlerinages, les mystères, qui se ruinaient en offrandes de brebis noires. Tous les temps ont vu de ces malheureux dont parle Lucrèce (III, 51-54) : Et quocumque tamen miseri venere, parentant,
Les macérations étaient en usage ; les prêtres de Cybèle se faisaient châtrer pour garder la continence. D’où vient que, parmi tous ces martyrs de la superstition, l’antiquité ne compte pas un seul grand homme, un sage ? C’est que la crainte n’a jamais pu faire la vertu. Les grands hommes ont été les enthousiastes du bien moral. La sagesse était leur passion dominante ; ils étaient sages comme Alexandre était guerrier, comme Homère était poète, et Apelle peintre, par une force et une nature supérieure : et voilà peut-être tout ce qu’on doit entendre par le démon de Socrate. Un jour deux citoyens d’Athènes, revenant de la chapelle de Mercure, aperçurent
Socrate dans la place publique. Son discours était dans la plus exacte logique. Xénophon, son disciple, homme qui connaissait le monde, et qui depuis sacrifia au vent dans la retraite des dix mille, lira Socrate par la manche, et lui dit : « Votre discours est admirable ; vous avez parlé bien mieux qu’un oracle vous êtes perdu ; l’un de ces honnêtes gens à qui vous parlez est un boucher qui vend des moutons et des oies pour les sacrifices, et l’autre un orfèvre qui gagne beaucoup à faire de petits dieux d’argent et de cuivre pour les femmes ; ils vont vous accuser d’être un impie qui voulez diminuer leur négoce ; ils déposeront contre vous auprès de Mélitus et d’Anitus vos ennemis, qui ont conjuré votre perte : gare la ciguë ! votre démon familier aurait bien dû vous avertir de ne pas dire à un boucher et à un orfèvre ce que vous ne deviez dire qu’à Platon et à Xénophon. » Quelque temps après, les ennemis de Socrate le firent condamner par le conseil des cinq cents. Il eut deux cent vingt voix pour lui. Cela fait présumer qu’il y avait deux cent vingt philosophes dans ce tribunal ; mais cela fait voir que dans toute compagnie le nombre des philosophes est toujours le plus petit. Socrate but donc la ciguë pour avoir parlé en faveur de l’unité de Dieu : et ensuite les Athéniens consacrèrent une chapelle à Socrate à celui qui s’était élevé contre les chapelles dédiées aux êtres inférieurs. François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Dictionnaire philosophique ou La Raison par alphabet (1764).
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D.R. BELAIR
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