ORDONNANCE
DU 9 AOÛT 1944
relative au
rétablissement de la légalité républicaine sur
le territoire continental.
( Version consolidée
au 10 août 1944 )
Le Gouvernement provisoire de
la République française,
Sur le rapport du ministre de
la justice,
Vu l'ordonnance du 3 juin 1943
portant institution du Comité français de la libération
nationale, ensemble l'ordonnance du 3 juin 1944 ;
Vu l'avis exprimé par
l'assemblée consultative à sa séance du 26 juin 1944
;
Le comité juridique entendu,
Article 1
La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République.
En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister.
Article 2
Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels
législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés
pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit,
promulgués sur le territoire continental postérieurement au
16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire
de la république française.
Cette nullité doit être
expressément constatée.
Article 3
Est expressément constatée la nullité des actes suivants
;
L'acte dit loi constitutionnelle
du 10 juillet 1940 ;
Tous les actes dits : " actes
constitutionnel ",
Tous les actes qui ont institué
des juridictions d'exception,
Tous les actes qui ont imposé
le travail forcé pour le compte de l'ennemi,
Tous les actes relatifs aux associations
dites secrètes,
Tous ceux qui établissent
ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité
de juif.
L'acte dit " décret du
16 Juillet 1940 " relatif à la formule exécutoire. Toutefois,
les porteurs de grosses et expéditions d'actes revêtus de la
formule exécutoire prescrite par l'acte dit " décret du 16 juillet
1940 " pourront les faire mettre à exécution sans faire ajouter
la formule exécutoire rétablie.
Article 4
Est également expressément constatée la nullité
des actes visés aux tableaux I et II, annexés à la présente
ordonnance (annexe non reproduite). Pour les actes mentionnés au tableau
I, la constatation de nullité vaut pour les effets découlant
de leur application antérieure à la mise en vigueur de la présente
ordonnance.
Article 5
Sont déclarés immédiatement exécutoires constatation
sur le territoire continental de la France, les textes visés au tableau
III de la présente ordonnance.
Article 6
Les textes publiés au Journal officiel de la France libre, au Journal
officiel de la France combattante, au Journal officiel du commandement en
chef français civil et militaire depuis le 18 mars 1943, enfin au Journal
officiel de la République française entre le 10 juin 1943 et
la date de la promulgation de la présente ordonnance ne seront applicables
sur le territoire continental de la France qu'à partir de la date
qui sera expressément fixée pour chacun d'eux.
Toutefois, doivent être
dès maintenant respectés les droits régulièrement
acquis sous l'empire desdits textes.
Article 7
Les actes de l'autorité
de fait, se disant "gouvernement de l'État français" dont la
nullité n'est pas expressément constatée dans la présente
ordonnance ou dans les tableaux annexés (annexes non reproduites),
continueront à recevoir provisoirement application.
Cette application provisoire
prendre fin au fur et à mesure de la constatation expresse de leur
nullité prévue à l'article 2.
Cette constatation interviendra
par des ordonnances subséquentes qui seront promulgués dans
le plus bref délai possible.
Article 8
Sont validées rétroactivement
les décisions des juridictions d'exception visées à l'article
3 lorsqu'elles ne relèvent pas de l'ordonnance du 6 juillet 1943 et
des textes subséquents relatifs à la légitimité
des actes accomplis pour la cause de la libération et à la révision
des condamnations intervenues pour ces faits.
Article 9
Les actes administratifs postérieurs au 16 juin 1940 sont rétroactivement
et provisoirement validés.
Article 10
Sont immédiatement
dissous les groupements suivants et tous les organismes similaires et annexes.
La légion française
des combattants,
Les groupements, anti-nationaux
dits ;
La milice,
Le groupe collaboration,
La milice anti-bolchévique,
La légion tricolore,
Le parti franciste,
Le rassemblement national populaire,
Le comité ouvrier de secours immédiats,
Le mouvement social révolutionnaire,
Le parti populaire français,
Les jeunesses de France et d'Outre-mer.
Les biens de ces groupements
sont immédiatement placés sous le séquestre de l'administration
de l'enregistrement et à la diligence de celle-ci.
Sans préjudice de l'application
des articles 12, 75 et suivants du code pénal sera puni d'un emprisonnement
de un à cinq ans et d'une amende de 1000 à 100000 fr. quiconque
participera directement ou indirectement au maintien ou à la reconstitution
des groupements énumérés au présent article.
Article 11
La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la
République française et exécutée comme loi.
Elle sera appliquée au territoire continental au fur et à mesure
de sa libération.
Une ordonnance spéciale
interviendra pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Par le Gouvernement provisoire
de la République française ;
CHARLES DE GAULLE.
Le commissaire à la justice,
FRANÇOIS DE MENTHON
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