LA
CONSTITUTION DU 22 FRIMAIRE AN VIII
(13
décembre 1799)
TITRE
I - De l'exercice des droits de cité
Article 1. - La République française est une et indivisible.
- Son territoire européen est distribué en départements
et arrondissements communaux.
Article 2. - Tout homme né et résidant en France qui, âgé
de vingt et un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique
de son arrondissement communal, et qui a demeuré depuis pendant
un an sur le territoire de la République, est citoyen français.
Article 3. - Un étranger devient citoyen français, lorsqu'après
avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis, et avoir déclaré
l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant
dix années consécutives.
Article 4. - La qualité de citoyen français se perd : -Par
la naturalisation en pays étranger ; - Par l'acceptation de fonctions
ou de pensions offertes par un gouvernement étranger ; - Par l'affiliation
à toute corporation étrangère qui supposerait des
distinctions de naissance ; - Par la condamnation à des peines
afflictives ou infamantes.
Article 5. - L'exercice des droits de citoyen français est suspendu,
par l'état de débiteur failli, ou d'héritier immédiat,
détenteur à titre gratuit de la succession totale ou partielle
d'un failli ; - Par l'état de domestique à gages, attaché
au service de la personne ou du ménage ; - Par l'état d'interdiction
judiciaire, d'accusation ou de contumace.
Article 6. - Pour exercer les droits de cité dans un arrondissement
communal, il faut y avoir acquis domicile par une année de résidence,
et ne l'avoir pas perdu par une année d'absence.
Article 7. - Les citoyens de chaque arrondissement communal désignent
par leurs suffrages ceux d'entre eux qu'ils croient les plus propres à
gérer les affaires publiques. Il en résulte une liste de
confiance, contenant un nombre de noms égal au dixième du
nombre des citoyens ayant droit d'y coopérer. C'est dans cette
première liste communale que doivent être pris les fonctionnaires
publics de l'arrondissement.
Article 8. - Les citoyens compris dans les listes communales d'un département
désignent également un dixième d'entre eux. Il en
résulte une seconde liste dite départementale, dans laquelle
doivent être pris les fonctionnaires publics du département.
Article 9. - Les citoyens portés dans la liste départementale
désignent pareillement un dixième d'entre eux : il en résulte
une troisième liste qui comprend les citoyens de ce département
éligibles aux fonctions publiques nationales.
Article 10. - Les citoyens, ayant droit de coopérer à la
formation de l'une des listes mentionnées aux trois articles précédents,
sont appelés tous les trois ans à pourvoir au remplacement
des inscrits décédés, ou absents pour toute autre
cause que l'exercice d'une fonction publique.
Article 11. - Ils peuvent, en même temps, retirer de la liste des
inscrits qu'ils ne jugent pas à propos d'y maintenir, et les remplacer
par d'autres citoyens dans lesquels ils ont une plus grande confiance.
Article 12. - Nul n'est retiré d'une liste que par les votes de
la majorité absolue des citoyens ayant droit de coopérer
à sa formation.
Article 13. - On n'est point retiré d'une liste d'éligibles
par cela seul qu'on n'est pas maintenu sur une autre liste d'un degré
inférieur ou supérieur.
Article 14. - L'inscription sur une liste d'éligibles n'est nécessaire
qu'à l'égard de celles des fonctions publiques par lesquelles
cette condition est expressément exigée par la Constitution
ou par la loi. Les listes d'éligibles seront formées pour
la première fois dans le cours de l'an IX - Les citoyens qui seront
nommés pour la première formation des autorités constituées,
feront partie nécessaire des premières listes d'éligibles.
TITRE II - Du Sénat conservateur
Article 15. - Le Sénat conservateur est composé de quatre-vingts
membres, inamovibles et à vie, âgés de quarante ans
au moins. - Pour la formation du Sénat, il sera d'abord nommé
soixante membres : ce nombre sera porté à soixante-deux
dans le cours de l'an VIII, à soixante-quatre en l'an IX, et s'élèvera
ainsi graduellement à quatre-vingts par l'addition de deux membres
en chacune des dix premières années.
Article 16. - La nomination à une place de sénateur se
fait par le Sénat, qui choisit entre trois candidats présentés,
le premier par le Corps législatif ; le second, par le Tribunat
; et le troisième par le Premier consul. - Il ne choisit qu'entre
deux candidats, si l'un d'eux est proposé par deux des trois autorités
présentantes : il est tenu d'admettre celui qui serait proposé
à la fois par les trois autorités.
Article 17. - Le Premier consul sortant de place, soit par l'expiration
de ses fonctions, soit par démission, devient sénateur de
plein droit et nécessairement. - Les deux autres consuls, durant
le mois qui suit l'expiration de leurs fonctions, peuvent prendre place
dans le Sénat, et ne sont pas obligés d'user de ce droit.
- Ils ne l'ont point quand ils quittent leurs fonctions consulaires par
démission.
Article 18. - Un sénateur est à jamais inéligible
à toute autre fonction publique.
Article 19. - Toutes les listes faites dans les départements en
vertu de l'article 9, sont adressées au Sénat : elles composent
la liste nationale.
Article 20. - Il élit dans cette liste les législateurs,
les tribuns, les consuls, les juges de cassation, et les commissaires
à la comptabilité.
Article 21. - Il maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés
comme inconstitutionnels par le Tribunat ou par le gouvernement : les
listes d'éligibles sont comprises parmi ces actes.
Article 22. - Des revenus de domaines nationaux déterminés
sont affectés aux dépenses du Sénat. Le traitement
annuel de chacun de ses membres se prend sur ces revenus, et il est égal
au vingtième de celui du Premier consul.
Article 23. - Les séances du Sénat ne sont pas publiques.
Article 24. - Les citoyens Sieyès et Roger-Ducos,
consuls sortants, sont nommés membres du Sénat conservateur
: ils se réuniront avec le second et le troisième consuls
nommés par la présente Constitution. Ces quatre citoyens
nomment la majorité du Sénat, qui se complète ensuite
lui-même, et procède aux élections qui lui sont confiées.
TITRE III - Du pouvoir législatif
Article 25. - Il ne sera promulgué de lois nouvelles que lorsque
le projet en aura été proposé par le gouvernement,
communiqué au Tribunat et décrété par le Corps
législatif.
Article 26. - Les projets que le gouvernement propose sont rédigés
en articles. En tout état de la discussion de ces projets, le gouvernement
peut les retirer ; il peut les reproduire modifiés.
Article 27. - Le Tribunat est composé de cent membres âgés
de vingt-cinq ans au moins ; ils sont renouvelés par cinquième
tous les ans, et indéfiniment rééligibles tant qu'ils
demeurent sur la liste nationale.
Article 28. - Le Tribunat discute les projets de loi ; il en vote l'adoption
ou le rejet. - Il envoie trois orateurs pris dans son sein, par lesquels
les motifs du voeu qu'il a exprimé sur chacun de ces projets sont
exposés et défendus devant le Corps législatif. -
Il défère au Sénat, pour cause d'inconstitutionnalité
seulement, les listes d'éligibles, les actes du Corps législatif
et ceux du gouvernement.
Article 29. - Il exprime son voeu sur les lois faites et à faire,
sur les abus à corriger, sur les améliorations à
entreprendre dans toutes les parties de l'administration publique, mais
jamais sur les affaires civiles ou criminelles portées devant les
tribunaux. - Les voeux qu'il manifeste en vertu du présent article,
n'ont aucune suite nécessaire, et n'obligent aucune autorité
constituée à une délibération.
Article 30. - Quand le Tribunat s'ajourne, il peut nommer une commission
de dix à quinze de ses membres, chargée de le convoquer
si elle le juge convenable.
Article 31. - Le Corps législatif est composé de trois
cents membres, âgés de trente ans au moins ; ils sont renouvelés
par cinquième tous les ans. - Il doit toujours s'y trouver un citoyen
au moins de chaque département de la République.
Article 32. - Un membre sortant du Corps législatif ne peut y
rentrer qu'après un an d'intervalle ; mais il peut être immédiatement
élu à toute autre fonction publique, y compris celle de
tribun, s'il y est d'ailleurs éligible.
Article 33. - La session du Corps législatif commence chaque année
le 1er frimaire, et ne dure que quatre mois ; il peut être extraordinairement
convoqué durant les huit autres par le Gouvernement.
Article 34. - Le Corps législatif fait la loi en statuant par
scrutin secret, et sans aucune discussion de la part de ses membres, sur
les projets de loi débattus devant lui par les orateurs du Tribunat
et du gouvernement.
Article 35. - Les séances du Tribunat et celles du Corps législatif
sont publiques ; le nombre des assistants soit aux unes, soit aux autres,
ne peut excéder deux cents.
Article 36. - Le traitement annuel d'un tribun est de quinze mille francs
; celui d'un législateur, de dix mille francs.
Article 37. - Tout décret du Corps législatif, le dixième
jour après son émission, est promulgué par le Premier
consul, à moins que, dans ce délai, il n'y ait eu recours
au Sénat pour cause d'inconstitutionnalité. Ce recours n'a
point lieu contre les lois promulguées.
Article 38. - Le premier renouvellement du Corps législatif et
du Tribunat n'aura lieu que dans le cours de l'an X.
TITRE IV - Du gouvernement
Article 39. - Le gouvernement est confié à trois consuls
nommés pour dix ans, et indéfiniment rééligibles.
- Chacun d'eux est élu individuellement, avec la qualité
distincte ou de premier, ou de second, ou de troisième consul.
- La Constitution nomme Premier consul le citoyen Bonaparte, ex-consul
provisoire ; second consul, le citoyen Cambacérès,
ex-ministre de la Justice ; et troisième consul, le citoyen Lebrun,
ex-membre de la commission du Conseil des Anciens.
- Pour cette fois, le troisième consul n'est nommé que pour
cinq ans.
Article 40. - Le Premier consul a des fonctions et des attributions particulières,
dans lesquelles il est momentanément suppléé, quand
il y a lieu, par un de ses collègues.
Article 41. - Le Premier consul promulgue les lois ; il nomme et révoque
à volonté les membres du Conseil d'État, les ministres,
les ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers
de l'armée de terre et de mer, les membres des administrations
locales et les commissaires du gouvernement près les tribunaux.
Il nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix
et les juges de cassation, sans pouvoir les révoquer.
Article 42. - Dans les autres actes du gouvernement, le second et le
troisième consuls ont voix consultative : ils signent le registre
de ces actes pour constater leur présence ; et s'ils le veulent,
y consignent leurs opinions ; après quoi, la décision du
Premier consul suffit.
Article 43. - Le traitement du Premier consul sera de cinq cent mille
francs en l'an VIII. Le traitement de chacun des deux autres consuls est
égal aux trois dixièmes de celui du premier.
Article 44. - Le gouvernement propose les lois, et fait les règlements
nécessaires pour assurer leur exécution.
Article 45. - Le gouvernement dirige les recettes et les dépenses
de l'État, conformément à la loi annuelle qui détermine
le montant des unes et des autres ; il surveille la fabrication des monnaies,
dont la loi seule ordonne l'émission, fixe le titre, le poids et
le type.
Article 46. - Si le gouvernement est informé qu'il se trame quelque
conspiration contre l'État, il peut décerner des mandats
d'amener et des mandats d'arrêt contre les personnes qui en sont
présumées les auteurs ou les complices ; mais si, dans un
délai de dix jours après leur arrestation, elles ne sont
mises en liberté ou en réglée, il y a, de la part
du ministre signataire du mandat, crime de détention arbitraire.
Article 47. - Le gouvernement pourvoit à la sûreté
intérieure et à la défense extérieure de l'État
; il distribue les forces de terre et de mer, et en règle la direction.
Article 48. - La garde nationale en activité est soumise aux règlements
d'administration publique ; la garde nationale sédentaire n'est
soumise qu'à la loi.
Article 49. - Le gouvernement entretient des relations politiques au-dehors,
conduit les négociations, fait les stipulations préliminaires,
signe, fait signer et conclut tous les traités de paix, d'alliance,
de trêve, de neutralité, de commerce, et autres conventions.
Article 50 - Les déclarations de guerre et les traités
de paix, d'alliance et de commerce, sont proposés, discutés,
décrétés et promulgués comme des lois. - Seulement,
les discussions et délibérations sur ces objets, tant dans
le Tribunat que dans le Corps législatif, se font en comité
secret quand le gouvernement le demande.
Article 51. - Les articles secrets d'un traité ne peuvent être
destructifs des articles patents.
Article 52. - Sous la direction des consuls, un Conseil d'État
est chargé de rédiger les projets de lois et les règlements
d'administration publique, et de résoudre les difficultés
qui s'élèvent en matière administrative.
Article 53. - C'est parmi les membres du Conseil d'État que sont
toujours pris les orateurs chargés de porter la parole au nom du
gouvernement devant le Corps législatif - Ces orateurs ne sont
jamais envoyés au nombre de plus de trois pour la défense
d'un même projet de loi.
Article 54. - Les ministres procurent l'exécution des lois et
des règlements d'administration publique.
Article 55. - Aucun acte du gouvernement ne peut avoir d'effet s'il n'est
signé par un ministre.
Article 56. - L'un des ministres est spécialement chargé
de l'administration du Trésor public : il assure les recettes,
ordonne les mouvements de fonds et les paiements autorisés par
la loi. Il ne peut rien faire payer qu'en vertu :
1° D'une loi, et jusqu'à la concurrence des fonds qu'elle a
déterminés pour un genre de dépenses ;
2° D'un arrêté du gouvernement ;
3° D'un mandat signé par un ministre.
Article 57. - Les comptes détaillés de la dépense
de chaque ministre, signés et certifiés par lui, sont rendus
publics.
Article 58. - Le gouvernement ne peut élire ou conserver pour
conseillers d'État, pour ministres, que des citoyens dont les noms
se trouvent inscrits sur la liste nationale.
Article 59. - Les administrations locales établies soit pour chaque
arrondissement communal, soit pour des portions plus étendues du
territoire, sont subordonnées aux ministres. Nul ne peut devenir
ou rester membre de ces administrations, s'il n'est porté ou maintenu
sur l'une des listes mentionnées aux articles 7 et 8.
TITRE V - Des tribunaux
Article 60. - Chaque arrondissement communal a un ou plusieurs juges
de paix, élus immédiatement par les citoyens pour trois
années. - Leur principale fonction consiste à concilier
les parties, qu'ils invitent, dans le cas de non-conciliation, à
se faire juger par des arbitres.
Article 61. - En matière civile, il y a des tribunaux de première
instance et des tribunaux d'appel. La loi détermine l'organisation
des uns et des autres, leur compétence, et le territoire formant
le ressort de chacun.
Article 62. - En matière de délits emportant peine afflictive
ou infamante, un premier jury admet ou rejette l'accusation : si elle
est admise, un second jury reconnaît le fait ; et les juges, formant
un tribunal criminel, appliquent la peine. Leur jugement est sans appel.
Article 63. - La fonction d'accusateur public près un tribunal
criminel, est remplie par le commissaire du gouvernement.
Article 64. - Les délits qui n'emportent pas peine afflictive
ou infamante, sont jugés par des tribunaux de police correctionnelle,
sauf l'appel aux tribunaux criminels.
Article 65. - Il y a, pour toute la République, un Tribunal de
cassation, qui prononce sur les demandes en cassation contre les jugements
en dernier ressort rendus par les tribunaux ; sur les demandes en renvoi
d'un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime
ou de sûreté publique ; sur les prises à partie contre
un tribunal entier.
Article 66. - Le Tribunal de cassation ne connaît point du fond
des affaires ; mais il casse les jugements rendus sur des procédures
dans lesquelles les formes ont été violées, ou qui
contiennent quelque contravention expresse à la loi ; et il renvoie
le fond du procès au tribunal qui doit en connaître.
Article 67. - Les juges composant les tribunaux de première instance,
et les commissaires du gouvernement établis près ces tribunaux,
sont pris dans la liste communale ou dans la liste départementale.
- Les juges formant les tribunaux d'appel, et les commissaires placés
près d'eux, sont pris dans la liste départementale. - Les
juges composant le Tribunal de cassation, et les commissaires établis
près ce Tribunal, sont pris dans la liste nationale.
Article 68. - Les juges, autres que les juges de paix, conservent leurs
fonctions toute leur vie, à moins qu'ils ne soient condamnés
pour forfaiture, ou qu'ils ne soient pas maintenus sur les listes d'éligibles.
TITRE VI - De la responsabilité des fonctionnaires
publics
Article 69. - Les fonctions des membres soit du Sénat, soit du
Corps législatif, soit du Tribunat, celles des consuls et des conseillers
d'État ne donnent lieu à aucune responsabilité.
Article 70. - Les délits personnels emportant peine afflictive
ou infamante, commis par un membre soit du Sénat, soit du Tribunat,
soit du Corps législatif, soit du Conseil d'État, sont poursuivis
devant les tribunaux ordinaires, après qu'une délibération
du Corps auquel le prévenu appartient, a autorisé cette
poursuite.
Article 71. - Les ministres prévenus de délits privés
emportant peine afflictive ou infamante, sont considérés
comme membres du Conseil d'État.
Article 72. - Les ministres sont responsables : 1° De tout acte de
gouvernement signé par eux, et déclaré inconstitutionnel
par le Sénat ; 2° De l'inexécution des lois et des règlements
d'administration publique ; 3° Des ordres particuliers qu'ils ont
donnés, si ces ordres sont contraires à la Constitution,
aux lois et aux règlements.
Article 73. - Dans les cas de l'article précédent, le Tribunat
dénonce le ministre par un acte sur lequel le Corps législatif
délibère dans les formes ordinaires, après avoir
entendu ou appelé le dénoncé. Le ministre mis en
jugement par un décret du Corps législatif, est jugé
par une Haute Cour, sans appel et sans recours en cassation. - La Haute
Cour est composée de juges et de jurés. Les juges sont choisis
par le Tribunal de cassation, et dans son sein ; les jurés sont
pris dans la liste nationale ; le tout suivant les formes que la loi détermine.
Article 74. - Les juges civils et criminels sont, pour les délits
relatifs à leurs fonctions poursuivis devant les tribunaux auxquels
celui de cassation les renvoie après avoir annulé leurs
actes.
Article 75. - Les agents du Gouvernement, autres que les ministres, ne
peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions,
qu'en vertu d'une décision du Conseil d'État : en ce cas,
la poursuite a lieu devant les tribunaux ordinaires.
TITRE VII - Dispositions générales
Article 76. - La maison de toute personne habitant le territoire français,
est un asile inviolable. - Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer
que dans le cas d'incendie, d'inondation, ou de réclamation faite
de l'intérieur de la maison. - Pendant le jour, on peut y entrer
pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou
par un ordre émané d'une autorité publique.
Article 77. - Pour que l'acte qui ordonne l'arrestation d'une personne
puisse être exécuté, il faut : 1° Qu'il exprime
formellement le motif de l'arrestation, et la loi en exécution
de laquelle elle est ordonnée ; 2° Qu'il émane d'un
fonctionnaire à qui la loi ait donné formellement ce pouvoir
; 3° Qu'il soit notifié à la personne arrêtée,
et qu'il lui en soit laissé copie.
Article 78. - Un gardien ou geôlier ne peut recevoir ou détenir
aucune personne qu'après avoir transcrit sur son registre l'acte
qui ordonne l'arrestation : cet acte doit être un mandat donné
dans les formes prescrites par l'article précédent, ou une
ordonnance de prise de corps, ou un décret d'accusation ou un jugement.
Article 79. - Tout gardien ou geôlier est tenu, sans qu'aucun ordre
puisse l'en dispenser, de représenter la personne détenue
à l'officier civil ayant la police de la maison de détention,
toutes les fois qu'il en sera requis par cet officier.
Article 80. - La représentation de la personne détenue
ne pourra être refusée à ses parents et amis porteurs
de l'ordre de l'officier civil, lequel sera toujours tenu de l'accorder,
à moins que le gardien ou geôlier ne représente une
ordonnance du juge pour tenir la personne au secret.
Article 81. - Tous ceux qui, n'ayant point reçu de la loi le pouvoir
de faire arrêter, donneront, signeront, exécuteront l'arrestation
d'une personne quelconque ; tous ceux qui, même dans le cas de l'arrestation
autorisée par la loi, recevront ou retiendront la personne arrêtée,
dans un lieu de détention non publiquement et légalement
désigné comme tel, et tous les gardiens ou geôliers
qui contreviendront aux dispositions des trois articles précédents,
seront coupables du crime de détention arbitraire.
Article 82. - Toutes rigueurs employées dans les arrestations,
détentions ou exécutions, autres que celles autorisées
par les lois, sont des crimes.
Article 83. - Toute personne a le droit d'adresser des pétitions
individuelles à toute autorité constituée, et spécialement
au Tribunat.
Article 84. - La force publique est essentiellement obéissante
: nul corps armé ne peut délibérer.
Article 85. - Les délits des militaires sont soumis à des
tribunaux spéciaux, et à des formes particulières
de jugement.
Article 86. - La Nation française déclare qu'il sera accordé
des pensions à tous les militaires blessés à la défense
de la patrie, ainsi qu'aux veuves et aux enfants des militaires morts
sur le champ de bataille ou des suites de leurs blessures.
Article 87. - Il sera décerné des récompenses nationales
aux guerriers qui auront rendu des services éclatants en combattant
pour la République.
Article 88. - Un Institut national est chargé de recueillir les
découvertes, de perfectionner les sciences et les arts.
Article 89. - Une commission de comptabilité nationale règle
et vérifie les comptes des recettes et des dépenses de la
République. Cette commission est composée de sept membres
choisis par le Sénat dans la liste nationale.
Article 90. - Un corps constitué ne peut prendre de délibération
que dans une séance où les deux tiers au moins de ses membres
se trouvent présents.
Article 91. - Le régime des colonies françaises est déterminé
par des lois spéciales.
Article 92. - Dans le cas de révolte à main armée,
ou de troubles qui menacent la sûreté de l'État, la
loi peut suspendre, dans les lieux et pour le temps qu'elle détermine,
l'empire de la Constitution. - Cette suspension peut être provisoirement
déclarée dans les mêmes cas, par un arrêté
du gouvernement, le Corps législatif étant en vacance, pourvu
que ce Corps soit convoqué au plus court terme par un article du
même arrêté.
Article 93. - La Nation française déclare qu'en aucun cas
elle ne souffrira le retour des Français qui, ayant abandonné
leur patrie depuis le 14 juillet 1789, ne sont pas compris dans les exceptions
portées aux lois rendues contre les émigrés ; elle
interdit toute exception nouvelle sur ce point. - Les biens des émigrés
sont irrévocablement acquis au profit de la République.
Article 94. - La Nation française déclare qu'après
une vente légalement consommée de biens nationaux, quelle
qu'en soit l'origine, l'acquéreur légitime ne peut en être
dépossédé, sauf aux tiers réclamants à
être, s'il y a lieu, indemnisés par le Trésor public.
Article 95. - La présente Constitution sera offerte de suite à
l'acceptation du peuple français.
Proclamation des Consuls de la République
du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799)
Les consuls de la République aux Français :
Une Constitution vous est présentée.
- Elle fait cesser les incertitudes que le Gouvernement provisoire mettait
dans les relations extérieures, dans la situation intérieure
et militaire de la République.
- Elle place dans les institutions qu'elle établit les premiers
magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à
son activité.
- La Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement
représentatif, sur les droits sacrés de la propriété,
de l'égalité, de la liberté.
- Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent
être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts
de l'État.
- Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont
commencée : elle est finie.
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