HISTOIRE DES
VOYAGES DE SCARMENTADO,
ÉCRITE
PAR LUI-MÊME
PAR
VOLTAIRE
1756
Préface de l'Éditeur
Le prospectus des frères
Cramer, pour leur édition de 1756, comprend les trois romans, Les deux
consolés, Histoire des voyages de Scarmentado, Le songe de
Platon, au nombre des morceaux neufs qu'ils allaient publier.
Cependant la table chronologique
qui est dans le tome LXX de l'édition in-8°de Kehl range les Voyages
de Scarmentado à l'année 1747. Longchamp (Mémoires etc.,
page 140. ) dit qu'ils furent composés en octobre 1746, avec plusieurs
autres romans, pendant la retraite de Voltaire à Sceaux. S'il fallait en
croire Colini (Mon séjour, etc., page 61.), Voltaire aurait écrit
les Voyages de Scarmentado après l'aventure de Francfort, en 1753. «
Encore froissé des injustices qu'il venait d'éprouver, il composa
les Voyages de Scarmentado, conte ingénieux, qui renferme des allusions
visiblement applicables aux événements dans lesquels il avait figuré.
».
Une édition de la Princesse
de Babylone, qui parut en 1768 ? est présentée comme une Suite des
Voyages de Scarmentado. M. Beuchot.
HISTOIRE DES
VOYAGES DE SCARMENTADO,
ÉCRITE
PAR LUI-MÊME.
Je naquis dans la ville de Candie,
en 1600. Mon père en était gouverneur ; et je me souviens qu'un
poète médiocre, qui n'était pas médiocrement dur,
nommé Iro (*), fit de mauvais vers à ma louange, dans lesquels il
me fesait descendre de Minos en droite ligne ; mais mon père ayant été
disgracié, il fit d'autres vers où je ne descendais plus que de
Pasiphaé et de son amant. C'était un bien méchant homme que
cet Iro, et le plus ennuyeux coquin qui fût dans l'île.
(*) Anagramme de
Roi, poète né avec des talents que son penchant pour la satire,
les aventures qui en furent la suite, sa jalousie contre les hommes de la littérature
qui lui étaient supérieurs, avilirent et rendirent malheureux. Le
ballet des Éléments et l'opéra de Callirhoé
sont les seuls de ses ouvrages qui lui aient survécu : il mourut vieux,
et avait fini par se faire dévot. Kehl, MM. Condorcet et Decroix.
Mon père m'envoya, à
l'âge de quinze ans, étudier à Rome. J'arrivai dans l'espérance
d'apprendre toutes les vérités ; car jusque-là on m'avait
enseigné tout le contraire, selon l'usage de ce bas monde, depuis la Chine
jusqu'aux Alpes. Monsignor Profondo, à qui j'étais recommandé,
était un homme singulier, et un des plus terribles savants qu'il y eût
au monde. Il voulut m'apprendre les catégories d'Aristote, et fut sur le
point de me mettre dans la catégorie de ses mignons : je l'échappai
belle. Je vis des processions, des exorcismes, et quelques rapines. On disait,
mais très faussement, que la signora Olimpia, personne d'une grande prudence,
vendait beaucoup de choses qu'on ne doit point vendre. J'étais dans un
âge où tout cela me paraissait fort plaisant. Une jeune dame de moeurs
très douces, nommée la signora Fatelo, s'avisa de m'aimer. Elle
était courtisée par le révérend P. Poignardini, et
par le révérend P. Aconiti, jeunes profès d'un ordre qui
ne subsiste plus : elle les mit d'accord en me donnant ses bonnes grâces
; mais en même temps je courus risque d'être excommunié et
empoisonné. Je partis, très content de l'architecture de Saint-Pierre.
Je voyageai en France ; c'était
le temps du règne de Louis-le-Juste (*). La première chose qu'on
me demanda, ce fut, Si je voulais à mon déjeuner un petit morceau
du maréchal d'Ancre, dont le peuple avait fait rôtir la chair, et
qu'on distribuait à fort bon compte à ceux qui en voulaient.
(*) Louis XIII eut
dès son enfance, dit Voltaire, le surnom de Juste, parcequ'il était
né sous le signe de la Balance.
Cet état était continuellement
en proie aux guerres civiles, quelquefois pour une place au conseil, quelquefois
pour deux pages de controverse. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tantôt
couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces beaux
climats. C'étaient là les libertés de l'Église gallicane.
Hélas ! dis-je, ce peuple est pourtant né doux : qui peut l'avoir
tiré ainsi de son caractère ? Il plaisante, et il fait des Saint-Barthélemi.
Heureux le temps où il ne fera que plaisanter !
Je passai en Angleterre : les mêmes
querelles y excitaient les mêmes fureurs. De saints catholiques avaient
résolu, pour le bien de l'Église, de faire sauter en l'air, avec
de la poudre, le roi, la famille royale, et tout le parlement, et de délivrer
l'Angleterre de ces hérétiques. On me montra la place où
la bienheureuse reine Marie, fille de Henri VIII, avait fait brûler plus
de cinq cents de ses sujets. Un prêtre ibernois m'assura que c'était
une très bonne action : premièrement parceque ceux qu'on avait brûlés
étaient Anglais ; en second lieu parcequ'ils ne prenaient jamais d'eau
bénite, et qu'ils ne croyaient pas au trou de saint Patrice.Il s'étonnait
surtout que la reine Marie ne fût pas encore canonisée ; mais il
espérait qu'elle le serait bientôt, quand le cardinal neveu aurait
un peu de loisir.
J'allai en Hollande, où j'espérais
trouver plus de tranquillité chez des peuples plus flegmatiques. On coupait
la tête à un vieillard vénérable lorsque j'arrivai
à La Haye. C'était la tête chauve du premier ministre Barneveldt,
l'homme qui avait le mieux mérité de la république. Touché
de pitié, je demandai quel était son crime, et s'il avait trahi
l'état. Il a fait bien pis, me répondit un prédicant à
manteau noir ; c'est un homme qui croit que l'on peut se sauver par les bonnes
oeuvres aussi bien que par la foi. Vous sentez bien que, si de telles opinions
s'établissaient, une république ne pourrait subsister, et qu'il
faut des lois sévères pour réprimer de si scandaleuses horreurs.
Un profond politique du pays me dit en soupirant : Hélas ! monsieur, le
bon temps ne durera pas toujours ; ce n'est que par hasard que ce peuple est si
zélé ; le fond de son caractère est porté au dogme
abominable de la tolérance, un jour il y viendra : cela fait frémir.
Pour moi, en attendant que ce temps funeste de la modération et de l'indulgence
fût arrivé, je quittai bien vite un pays où la sévérité
n'était adoucie par aucun agrément, et je m'embarquai pour l'Espagne.
La cour était à Séville,
les galions étaient arrivés, tout respirait l'abondance et la joie
dans la plus belle saison de l'année. Je vis au bout d'une allée
d'orangers et de citronniers une espèce de lice immense entourée
de gradins couverts d'étoffes précieuses. Le roi, la reine, les
infants, les infantes, étaient sous un dais superbe. Vis-à-vis de
cette auguste famille était un autre trône, mais plus élevé.
Je dis à un de mes compagnons de voyage : A moins que ce trône ne
soit réservé pour Dieu, je ne vois pas à quoi il peut servir.
Ces indiscrètes paroles furent entendues d'un grave Espagnol, et me coûtèrent
cher. Cependant je m'imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque
fête de taureaux, lorsque le grand-inquisiteur parut sur ce trône,
d'où il bénit le roi et le peuple.
Ensuite vint une armée de
moines défilant deux à deux, blancs, noirs, gris, chaussés,
déchaussés, avec barbe, sans barbe, avec capuchon pointu, et sans
capuchon ; puis marchait le bourreau ; puis on voyait au milieu des alguazils
et des grands environ quarante personnes couvertes de sacs sur lesquels on avait
peint des diables et des flammes. C'étaient des juifs qui n'avaient pas
voulu renoncer absolument à Moïse, c'étaient des chrétiens
qui avaient épousé leurs commères, ou qui n'avaient pas adoré
Notre-Dame d'Atocha, ou qui n'avaient pas voulu se défaire de leur argent
comptant en faveur des frères hiéronymites (*). On chanta dévotement
de très belles prières, après quoi on brûla à
petit feu tous les coupables ; de quoi toute la famille royale parut extrêmement
édifiée.
(*) Hiéronymites.
Nom d'une congrégation religieuse qui, formée dans le XIVe siècle en Espagne,
prit saint Jérôme pour patron, tout en suivant la règle de Saint-Augustin ; leur
premier supérieur fut Pierre-Ferdinand Pecha, chambellan de Pierre le Cruel.
Le soir, dans le temps que j'allais
me mettre au lit, arrivèrent chez moi deux familiers de l'inquisition avec
la sainte Hermandad : ils m'embrassèrent tendrement, et me menèrent,
sans me dire un seul mot, dans un cachot très frais, meublé d'un
lit de natte et d'un beau crucifix. Je restai là six semaines, au bout
desquelles le révérend père inquisiteur m'envoya prier de
venir lui parler : il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection
toute paternelle ; il me dit qu'il était sincèrement affligé
d'avoir appris que je fusse si mal logé ; mais que tous les appartements
de la maison étaient remplis, et qu'une autre fois il espérait que
je serais plus à mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne
savais pas pourquoi j'étais là. Je dis au révérend
père que c'était apparemment pour mes péchés. Eh bien
! mon cher enfant, pour quel péché ? parlez-moi avec confiance.
J'eus beau imaginer, je ne devinai point ; il me mit charitablement sur les voies.
Enfin je me souvins de mes indiscrètes
paroles. J'en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille réales.
On me mena faire la révérence au grand-inquisiteur : c'était
un homme poli, qui me demanda comment j'avais trouvé sa petite fête.
Je lui dis que cela était délicieux, et j'allai presser mes compagnons
de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est. Ils avaient eu le temps de
s'instruire de toutes les grandes choses que les Espagnols avaient faites pour
la religion. Ils avaient lu les mémoires du fameux évêque
de Chiapa (Las Cases), par lesquels il paraît qu'on avait égorgé,
ou brûlé, ou noyé dix millions d'infidèles en Amérique
pour les convertir. Je crus que cet évêque exagérait ; mais
quand on réduirait ces sacrifices à cinq millions de victimes, cela
serait encore admirable.
Le désir de voyager me pressait
toujours. J'avais compté finir mon tour de l'Europe par la Turquie ; nous
en prîmes la route. Je me proposai bien de ne plus dire mon avis sur les
fêtes que je verrais. Ces Turcs, dis-je à mes compagnons, sont des
mécréants qui n'ont point été baptisés, et
qui par conséquent seront bien plus cruels que les révérends
pères inquisiteurs. Gardons le silence quand nous serons chez les mahométans.
J'allai donc chez eux. Je fus étrangement
surpris de voir en Turquie beaucoup plus d'églises chrétiennes qu'il
n'y en avait dans Candie. J'y vis jusqu'à des troupes nombreuses de moines
qu'on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire Mahomet, ceux-ci en
grec, ceux-là en latin, quelques autres en arménien. Les bonnes
gens que les Turcs ! m'écriai-je. Les chrétiens grecs et les chrétiens
latins étaient ennemis mortels dans Constantinople ; ces esclaves se persécutaient
les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et à qui
leurs maîtres donnent des coups de bâton pour les séparer.
Le grand-vizir protégeait alors les Grecs. Le patriarche grec m'accusa
d'avoir soupé chez le patriarche latin, et je fus condamné en plein
divan à cent coups de latte sur la plante des pieds, rachetables de cinq
cents sequins. Le lendemain le grand-vizir fut étranglé ; le surlendemain
son successeur, qui était pour le parti des Latins, et qui ne fut étranglé
qu'un mois après, me condamna à la même amende, pour avoir
soupé chez le patriarche grec. Je fus dans la triste nécessité
de ne plus fréquenter ni l'église grecque ni la latine. Pour m'en
consoler, je pris à loyer une fort belle Circassienne, qui était
la personne la plus tendre dans le tête-à-tête, et la plus
dévote à la mosquée. Une nuit, dans les doux transports de
son amour, elle s'écria en m'embrassant, Alla, Illa, Alla ! ce sont les
paroles sacramentales des Turcs ; je crus que c'étaient celles de l'amour
: je m'écriai aussi fort tendrement, Alla, Illa, Alla ! Ah ! me dit-elle,
le Dieu miséricordieux soit loué ! vous êtes Turc. Je lui
dis que je le bénissais de m'en avoir donné la force, et je me crus
trop heureux. Le matin l'iman vint pour me circoncire ; et, comme je fis quelque
difficulté, le cadi du quartier, homme loyal, me proposa de m'empaler :
je sauvai mon prépuce et mon derrière avec mille sequins, et je
m'enfuis vite en Perse, résolu de ne plus entendre ni messe grecque ni
latine en Turquie, et de ne plus crier, Alla, Illa, Alla, dans un rendez-vous.
En arrivant à Ispahan on
me demanda si j'étais pour le mouton noir ou pour le mouton blanc. Je répondis
que cela m'était fort indifférent, pourvu qu'il fût tendre.
Il faut savoir que les factions du mouton blanc et du mouton noir partageaient
encore les Persans. On crut que je me moquais des deux partis ; de sorte que je
me trouvai déjà une violente affaire sur les bras aux portes de
la ville : il m'en coûta encore grand nombre de sequins pour me débarrasser
des moutons.
Je poussai jusqu'à la Chine
avec un interprète, qui m'assura que c'était là le pays où
l'on vivait librement et gaiement. Les Tartares s'en étaient rendus maîtres,
après avoir tout mis à feu et à sang ; et les révérends
Pères jésuites d'un côté, comme les révérends
Pères dominicains de l'autre, disaient qu'ils y gagnaient des âmes
à Dieu, sans que personne en sût rien. On n'a jamais vu de convertisseurs
si zélés ; car ils se persécutaient les uns les autres tour-à-tour
: ils écrivaient à Rome des volumes de calomnies ; ils se traitaient
d'infidèles et de prévaricateurs pour une âme. Il y avait
surtout une horrible querelle entre eux sur la manière de faire la révérence.
Les jésuites voulaient que les Chinois saluassent leurs pères et
leurs mères à la mode de la Chine, et les dominicains voulaient
qu'on les saluât à la mode de Rome. Il m'arriva d'être pris
par les jésuites pour un dominicain. On me fit passer chez sa majesté
tartare pour un espion du pape. Le conseil suprême chargea un premier mandarin
? qui ordonna à un sergent qui commanda à quatre sbires du pays
de m'arrêter et de me lier en cérémonie. Je fus conduit après
cent quarante génuflexions devant sa majesté. Elle me fit demander
si j'étais l'espion du pape, et s'il était vrai que ce prince dût
venir en personne le détrôner. Je lui répondis que le pape
était un prêtre de soixante-dix ans (Innocent X,
qui a régné de 1644 à 1655.) ; qu'il demeurait à
quatre mille lieues de sa sacrée majesté tartaro-chinoise ; qu'il
avait environ deux mille soldats qui montaient la garde avec un parasol ; qu'il
ne détrônait personne, et que sa majesté pouvait dormir en
sûreté. Ce fut l'aventure la moins funeste de ma vie. On m'envoya
à Macao, d'où je m'embarquai pour l'Europe.
Mon vaisseau eut besoin d'être
radoubé vers les côtes de Golconde. Je pris ce temps pour aller voir
la cour du grand Aureng-Zeb, dont on disait des merveilles dans le monde : il
était alors dans Delhi. J'eus la consolation de l'envisager le jour de
la pompeuse cérémonie dans laquelle il reçut le présent
céleste que lui envoyait le shérif de la Mecque. C'était
le balai avec lequel on avait balayé la maison sainte, le caaba, le beth
Alla. Ce balai est le symbole du balai divin qui balaie toutes les ordures de
l'âme. Aureng-Zeb ne paraissait pas en avoir besoin ; c'était l'homme
le plus pieux de tout l'Indoustan. Il est vrai qu'il avait égorgé
un de ses frères et empoisonné son père ; vingt raïas
et autant d'omras étaient morts dans les supplices ; mais cela n'était
rien, et on ne parlait que de sa dévotion. On ne lui comparait que la sacrée
majesté du sérénissime empereur de Maroc, Muley Ismael, qui
coupait des têtes tous les vendredis après la prière.
Je ne disais mot ; les voyages m'avaient
formé, et je sentais qu'il ne m'appartenait pas de décider entre
ces deux augustes souverains. Un jeune Français, avec qui je logeais, manqua,
je l'avoue, de respect à l'empereur des Indes et à celui de Maroc.
Il s'avisa de dire très indiscrètement qu'il y avait en Europe de
très pieux souverains qui gouvernaient bien leurs états et qui fréquentaient
même les églises, sans pourtant tuer leurs pères et leurs
frères, et sans couper les têtes de leurs sujets. Notre interprète
transmit en indou le discours impie de mon jeune homme. Instruit par le passé,
je fis vite seller mes chameaux : nous partîmes le Français et moi.
J'ai su depuis que la nuit même les officiers du grand Aureng-Zeb étant
venus pour nous prendre, ils ne trouvèrent que l'interprète. Il
fut exécuté en place publique, et tous les courtisans avouèrent
sans flatterie que sa mort était très juste.
Il me restait de voir l'Afrique,
pour jouir de toutes les douceurs de notre continent. Je la vis en effet. Mon
vaisseau fut pris par des corsaires nègres. Notre patron fit de grandes
plaintes, il leur demanda pourquoi ils violaient ainsi les lois des nations. Le
capitaine nègre lui répondit : Vous avez le nez long, et nous l'avons
plat ; vos cheveux sont tout droits, et notre laine est frisée ; vous avez
la peau de couleur de cendre, et nous de couleur d'ébène ; par conséquent
nous devons, par les lois sacrées de la nature, être toujours ennemis.
Vous nous achetez aux foires de la côte de Guinée, comme des bêtes
de somme, pour nous faire travailler à je ne sais quel emploi aussi pénible
que ridicule. Vous nous faites fouiller à coups de nerfs de boeuf dans
des montagnes, pour en tirer une espèce de terre jaune qui par elle-même
n'est bonne à rien, et qui ne vaut pas, à beaucoup près,
un bon ognon d'Égypte ; aussi quand nous vous rencontrons, et que nous
sommes les plus forts, nous vous fesons labourer nos champs, ou nous vous coupons
le nez et les oreilles.
On n'avait rien à répliquer
à un discours si sage. J'allai labourer le champ d'une vieille négresse,
pour conserver mes oreilles et mon nez. On me racheta au bout d'un an. J'avais
vu tout ce qu'il y a de beau, de bon, et d'admirable sur la terre : je résolus
de ne plus voir que mes pénates. Je me mariai chez moi : je fus cocu ?
et je vis que c'était l'état le plus doux de la vie.
François-Marie Arouet, dit Voltaire,
1694-1778.
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