LES FABLES DE JEAN DE LA FONTAINE
JUPITER ET LE PASSAGER Ô combien le péril enrichirait les Dieux, Si nous nous souvenions des voeux qu'il nous fait faire ! Mais, le péril passé, l'on ne se souvient guère De ce qu'on a promis aux Cieux : On compte seulement ce qu'on doit à la terre. Jupiter, dit l'impie, est un bon créancier : Il ne se sert jamais d'Huissier. - Eh ! qu'est-ce donc que le tonnerre ? Comment appelez-vous ces avertissements ? Un Passager, pendant l'orage, Avait voué cent boeufs au vainqueur des Titans. Il n'en avait pas un : vouer cent Éléphants N'aurait pas coûté davantage. Il brûla quelques os quand il fut au rivage. Au nez de Jupiter la fumée en monta. Sire Jupin, dit-il, prends mon voeu ; le voilà : C'est un parfum de Boeuf que ta grandeur respire. La fumée est ta part : je ne te dois plus rien. Jupiter fit semblant de rire ; Mais après quelques jours le Dieu l'attrapa bien, Envoyant un songe lui dire Qu'un tel trésor était en tel lieu. L'homme au voeu Courut au trésor comme au feu : Il trouva des voleurs, et n'ayant dans sa bourse Qu'un écu pour toute ressource, Il leur promit cent talents d'or, Bien comptés, et d'un tel trésor : On l'avait enterré dedans telle Bourgade. L'endroit parut suspect aux voleurs, de façon Qu'à notre prometteur l'un dit : Mon camarade, Tu te moques de nous, meurs, et va chez Pluton Porter tes cent talents en don.
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D.R. BELAIR
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