LES FABLES DE JEAN DE LA FONTAINE
JUPITER ET LES TONNERRES Jupiter voyant nos fautes, Dit un jour du haut des airs : Remplissons de nouveaux hôtes Les cantons de l'Univers Habités par cette race Qui m'importune et me lasse. Va-t'en, Mercure, aux Enfers : Amène-moi la furie La plus cruelle des trois. Race que j'ai trop chérie, Tu périras cette fois. Jupiter ne tarda guère A modérer son transport. Ô vous Rois qu'il voulut faire Arbitres de notre sort, Laissez entre la colère Et l'orage qui la suit L'intervalle d'une nuit. Le Dieu dont l'aile est légère, Et la langue a des douceurs, Alla voir les noires Soeurs. A Tisiphone et Mégère Il préféra, ce dit-on, L'impitoyable Alecton. Ce choix la rendit si fière, Qu'elle jura par Pluton Que toute l'engeance humaine Serait bientôt du domaine Des déités de là-bas. Jupiter n'approuva pas Le serment de l'Euménide. Il la renvoie, et pourtant Il lance un foudre à l'instant Sur certain peuple perfide. Le tonnerre ayant pour guide Le père même de ceux Qu'il menaçait de ses feux, Se contenta de leur crainte ; Il n'embrasa que l'enceinte D'un désert inhabité. Tout père frappe à côté. Qu'arriva-t-il ? Notre engeance Prit pied sur cette indulgence. Tout l'Olympe s'en plaignit : Et l'assembleur de nuages Jura le Styx, et promit De former d'autres orages ; Ils seraient sûrs. On sourit : On lui dit qu'il était père, Et qu'il laissât pour le mieux A quelqu'un des autres Dieux D'autres tonnerres à faire. Vulcan entreprit l'affaire. Ce Dieu remplit ses fourneaux De deux sortes de carreaux. L'un jamais ne se fourvoie, Et c'est celui que toujours L'Olympe en corps nous envoie. L'autre s'écarte en son cours ; Ce n'est qu'aux monts qu'il en coûte ; Bien souvent même il se perd, Et ce dernier en sa route Nous vient du seul Jupiter.
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D.R. BELAIR
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