Illustration de Jean-Jacques
Grandville (1803-1847)
LES VAUTOURS ET LES PIGEONS
Mars autrefois mit tout l'air en émute.
Certain sujet fit naître la dispute
Chez les oiseaux ; non ceux que le Printemps
Mène à sa Cour, et qui, sous la feuillée,
Par leur exemple et leurs sons éclatants
Font que Vénus est en nous réveillée ;
Ni ceux encor que la Mère d'Amour
Met à son char : mais le peuple Vautour,
Au bec retors, à la tranchante serre,
Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre.
Il plut du sang ; je n'exagère point.
Si je voulais conter de point en point
Tout le détail, je manquerais d'haleine.
Maint chef périt, maint héros expira ;
Et sur son roc Prométhée espéra
De voir bientôt une fin à sa peine.
C'était plaisir d'observer leurs efforts ;
C'était pitié de voir tomber les morts.
Valeur, adresse, et ruses, et surprises,
Tout s'employa. Les deux troupes éprises
D'ardent courroux n'épargnaient nuls moyens
De peupler l'air que respirent les ombres :
Tout élément remplit de citoyens
Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres.
Cette fureur mit la compassion
Dans les esprits d'une autre nation
Au col changeant, au coeur tendre et fidèle.
Elle employa sa médiation
Pour accorder une telle querelle ;
Ambassadeurs par le peuple pigeon
Furent choisis, et si bien travaillèrent,
Que les Vautours plus ne se chamaillèrent.
Ils firent trêve, et la paix s'ensuivit :
Hélas ! ce fut aux dépens de la race
A qui la leur aurait dû rendre grâce.
La gent maudite aussitôt poursuivit
Tous les pigeons, en fit ample carnage,
En dépeupla les bourgades, les champs.
Peu de prudence eurent les pauvres gens,
D'accommoder un peuple si sauvage.
Tenez toujours divisés les méchants ;
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là : Semez entre eux la guerre,
Ou vous n'aurez avec eux nulle paix.
Ceci soit dit en passant ; je me tais.
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Illustrator : Percy J. Billinghurst
THE VULTURES AND THE PIGEONS
Mars once made havoc in the air:
Some cause aroused a quarrel there
Among the birds ; not those that sing,
The courtiers of the merry Spring,
But naughty hawk and vulture folks,
Of hooked beak and talons keen.
The carcass of a dog, 'tis said,
Had to this civil carnage led.
Blood rain'd upon the swarded green,
And valiant deeds were done, I ween.
Suffice to say, that chiefs were slain,
And heroes strow'd the sanguine plain.
'Twas sport to see the battle rage,
And valiant hawk with hawk engage ;
'Twas pitiful to see them fall,
Torn, bleeding, weltering, gasping, all.
Force, courage, cunning, all were plied;
Intrepid troops on either side
No effort spared to populate
The dusky realms of hungry Fate.
This woful strife awoke compassion
Within another feather'd nation,
Of iris neck and tender heart.
They tried their hand at mediation
To reconcile the foes, or part.
The pigeon people duly chose
Ambassadors, who work'd so well
As soon the murderous rage to quell,
And stanch the source of countless woes.
A truce took place, and peace ensued.
Alas! the people dearly paid
Who such pacification made!
Those cursed hawks at once pursued
The harmless pigeons, slew and ate,
Till towns and fields were desolate.
The safety of the rest requires
The bad should flesh each other's spears :
Whoever peace with them desires
Had better set them by the ears.
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