DICTIONNAIRE
COMPLET
DE
L'ARGOT
EMPLOYÉ
DANS "
LES MYSTÈRES DE PARIS "
Ouvrage éminemment
utile à toute personne honnête puisqu'il divulgue à la
société les mots dont les filoux, voleurs, floueurs, chevaliers
d'industrie composent leur conversation.
Ouvrage recueilli
par M. D.
D'après
les renseignements donnés par un ex-surveillant de la Roquette et un
ancien garde chiourme du bagne de Brest.
Augmenté
de la manière dont
La pêgre maquille son truque pour poissencher
les pantres.
Les voleurs s'y prennent pour voler les honnêtes
gens.
PARIS
1844
DICTIONNAIRE
D'ARGOT.
cabarmont cabaret
les douilles les cheveux
les douliet la barbe
la tronche la tête
la frime la figure
les chasses les yeux
le reniflard le nez
la gargue la bouche
la menteuse la langue
les aquigeuses les dents
le colasse le cou
le souflet l'estomac
le seignant le coeur
les guibes les jambes
les paturons les pieds
les abattis les bras
les pognes les mains
les arpions les doigts
tapis franc maison, rendez-vous
des gens de mauvaise vie
charlot le boureau
la camarde la mort
la muette la conscience
simve homme de bonne foi
goualeuse chanteuse
goualer chanter
cambre chapeau
plure redingotte
montant pantalon
passif soulier
empaf botte
tiran des bas
blavin mouchoir
gouline une valise
filoche une bourse
gueulard un sac
pognon de l'argent
talbin billet de banque
sigue pièce d'or
des tunes blencardes pièce
de monnaie blanche
roue de derière pièce
de cinq fr.
roue de devant pièce de
deux
un point pièce d'un
un rond un sous
un broc un liard
daron le père
darone la mère
frangin le frère
frangine la soeur
aminge un ami
pivasse un enfant
gosselin petit garçon
gosseline petite fille
miston jeune homme
mistone demoiselle
bibon vieux homme
bibasse vieille femme
batif quelque chose de tout neuf
d'ocas id d'hasard
morfiller manger
picter boire
fricmart met quelconque
japhe soupe
crigne viande
verdouse salade
rème fromage
larton brutale pain bis
larton savoné pain blanc
pivois du vin
des peteux des haricots
caudaf eau-de-vie
de la lance de l'eau
lansquiner pleuvoir
du rifle du feu
rifauder brûler
lingue un couteau
vingtdeux un poignard
des faucheux des ciseaux
un crachant un pistolet
masser travailler
gaille un cheval
branc un âne
pelard du foin
fertille de la paille
grenouse de l'avoine
avergot un oeuf
ruouet un porc
piron un canard
engache une oie
piquenter un poulet
bélant un mouton
une cornante une vâche
une boule une foire
un boulineur voleur de foire
esganacher arracher les dents
drogueur mendiant
drogué demander
drogueur de bretelles mendiant
de naissance
regusou un remouleur
grillou un étameur
roulotte voiture
panier à salade voiture
dans laquelle on transfère les détenus
la lors prison de la force
être au col être
en prison
la préfec dépôt
de la préfecture de police
la centrale maison centrale de
détention
le pré le bagne
être au dure être
condamné aux travaux forcés
gons un homme
gonsesse une femme
gons de c. une homme comme il
faut
gonsesse de c. une femme comme
il faut
engoncé concubinage
entiflé de c. mariage
légitime
béché mépriser
quelqu'un
pantre paysan
pantresse paysanne
largue fille prostituée
piaule maison
lourde porte
tuileries les toits
la négresse la cheminée
la venterne la fenêtre
le grimpart l'escalier
quarante une table
glacis un verre
louche une cuillère
piquante une fourchette
tuile une assiette
rouliarde une bouteille
montante une chaise
pieu un lit
pioncer dormir
gamberger compter
un bogue une montre
pendilleuse des boucles d'oreilles
une bride une chaîne
broquilles bague
jonc de l'or
blencar de l'argent
du duret du cuivre
le grand meg des meg Dieu
le grand meg un président
jaspiner causer
jargue argot
entraver entendre
rasi curé
ratichon prêtre
esbasi mort
grinchire voler
poisser vole
aquiger battre
lansquiner des chasses pleurer
avoir tu toup être hardi
morganer mordre
escarper assassiner
escarpe assassin
faucher guillotiner
tape exposition
taroquer marquer
surbile sous la surveillance
de la haute police
à user le soleil a vie
être gerbé être
condamné
limace chemise
afur bénéfice
surbiner surfaire
fader partager
mon fad ma part
se faire lesse se tromper
poivrier homme saoûl
bonire parler
boniment conversation
débine dispute
débiner mépriser
delader ne pas être heureux
chouet spirituel, joli
lof bête
mesiere monsieur
menesse ma femme
aller au jardin voleur allant
faire un coup
aller au persil promenade d'une
prostituée
carouble fausse clé
tournante une clé
fondante sir à emprunt
fricfrac casser une porte
cadet instrument avec lequel
on casse une porte
remoucher faire attention
rembroquer regarder
satout baton
baluchon paquet
chouriner donner des coups de
couteau
grivière soldat
cogne gendarme
la rousse mouchard
la rousse à l'arnache
mouchard en bourgeois
la rousse a la flanc agent de
police habillé
le condé le commissaire
granp dicime condé le
maire ou le préfet
esbigner se sauver
esbigner en jargue s'en aller
d'un endroit sans payer
arguse argot
reluisant reverbère
boutanche boutique
entauder entrer
la blafarde la lune
cavaler courir
maquiller arranger quelque chose
camoufler se rendre méconnaissable
radin tiroir de comptoir où
l'on met l'argent
chopin sac d'argent
être débiné
être salle
ployant portefeuille
griffon chat
cabot chien
solire vendre
abloquire acheter
entape habillement
s'entaper s'habiller
fourguer vendre des objets volés
fourgue receleur
faire gasfre surveiller
chialer crier
la planche au pin banc des accusés
un reluis un jour
un marquet un mois
une longe une année
baveux du savon
tac un emplatre
pomeluche pomade
eau de coluche eau de cologne
camelotte marchandise
camelot marchands des rues
être blanc être connu
drague médecin
blencarder blanchir
escracher chasser
maron être arrêté
avec preuve
maron mâl pris en flagrand
délit
les rembroqueurs les témoins
servi être arrêté
servi de belle être arrêté
sans preuve
décaré sortir de
prison
centre nom
chouette-centre vrai nom
centre à l'estorgue faux
nom
conoblé connu
reconoblé reconnu
maquillé du pognon faire
de l'argent
renbiner remettre à neuf
fiquer donner
abouler venir
gambiller danser
une mené une douzaine
turbiné s'occuper
chiné aller offrir ses
marchandises
taude rupine maison bourgeoise
bécher faire des cancans
mon orguibus moi-même
fader partager
mon fad ma part
gamberger compter
flac boni quelconque
dématé jeter quelqu'un
par terre
raisiné du sang
nettoyer donner une roulée
de la bille des espèces
tréfoin tabac
tréfoin rifaudeur tabac
à fumer
bouffarde une pipe
fauf tabatière
faire suer un chêne assassiner
un homme
grand trimar grand' route
jy oui
niberque non
nisco non
taffé avoir peur
affeur peureux
être frileux poltron sans
courage
avoir eu froid ne pas avoir eu
le courage d'achever un crime
mouton homme de leur société
qu'ils supposent y avoir été mis pour s'associer seulement à
la conversation et les dénoncer ensuite. Dans les prisons, la police
y met beaucoup de ces gens qui, ayant l'air d'être détenus, causent
avec les prisonniers, et finissent par donner des indices très précieux
à la police qui les transmet ensuite à la justice
mangeur celui qui, faisant partie
d'une bande, dénonce les autres
coqueur celui qui, quoique voleur,
en fait arrêter d'autres
être coqué être
dénoncé
pionville être en ribotte
pionvilé s'être
enivré
rivancher coucher avec une demoiselle
des gos des pous
des sautenses des puces
des bouffis des punaises
carcagnot prisonnier, qui prête
de l'argent à ses collégues à intérêt. Avant
le système pénitentiaire, cela existait dans les prisons et
existe encore dans les bagnes. Le carcagnot prête 2 sous pour 3, et
en dix ans de temps, amasse des sommes immenses
abouler le pagne porter à
manger à un prisonnier
gnient et bigore rien du tout
rapliquer venir souvent
ronfler réussite complète
affaire filée coup prémédité
depuis longtemps
affaire donnée vols que
l'on exécute d'après le consentement et les renseignements de
portiers ou de domestiques. Ces vols n'arrivent que trop fréquemment.
refiler la camelote passer aux
associés ce que l'on vient de voler
pomer la camelote dans le pied
pris, porteur d'objets volés
fargué rougir
se défarguer déposer
les objets dont on est porteur
arsoner un pantre s'assurer si
un homme est porteur de choses qui vaillent la peine, et qui soient susceptibles
d'être volées
gouaper coucher dehors
sorgue la nuit
gouapeur homme sans asile
une bidoche une ration de viande
mêche moitié de
quelque chose
faf papier de sureté
pègre voleur
propre à mibes bon à
rien
remouchante une glace
du trèpe du monde
chialer crier
crier à la chianlit au
voleur
écornage couper un carreau
du fondant du plomb
du coulan de l'huile
avoir organe avoir faim
riflar parapluie
nettoyante une brosse
frotin billard
avoir à la bonne aimer
avoir le béguin être
malade d'amour
floumons un violon
flouant jeu de hasard
flouer jouer
brem des cartes
couvrante une casquette
déboutancher déboutonner
griffarder écrire
babillard du papier
Babillarde Une lettre
ligoter attacher
une vergue une ville
cambriole une chambre
un villois un village
tartire poser culotte
pantin Paris
un barbotier un canard
du nagant du poisson
lempe drap de lit
un grattou un rasoir
une assurance une canne
une dure une pierre
canard fausse nouvelle
canardier crieur public
blanc connu
rapliquer arriver
lunanche des lunettes
rembroqueuse une lorgnette
être marquant annoncer
de l'aisance
marquer avoir l'air riche
noner cacher
calter finir
se réchauffer s'apercevoir
remoucher regarder
sorgue la nuit
être à renaud être
contrarié
renauder bisquer
balancer renvoyer
pomeluche pomade
plomber sentir mauvais
le matois le matin
ce matois ce matin
le tardif le soir
la sorgue la nuit
un tiroir faire un trou dans
le volet d'une boutique
rengracier finis, on regarde
faire le benjamin substituer
une chose à une autre
aller au vague aller commettre
un vol
à la flanc au hasard
du flanc donner sa parole
du grand flanc parole d'honneur
se réchauffer s'apercevoir
baluchon paquet
cafemon café
les endosses les épaules
débrider ouvrir
buter tuer
morganer mordre
coucher avec le cheval coucher
seul
desbrouf vivement
à la tête du can
devant tout le monde
balancer jeter
boule de son un pain entier.
être gerbé être
condamné
avoir dans le nez détesté
nazé avoir en horreur
lago la
çago cela
icigo ici
loffitude bêtise
foncer donner
conobler connaitre
reconoblé reconnu
billé payé
DIALOGUES
ARGOT ET FRANÇAIS.
Arsone ce pentre,
remouche si sa filoche est chouete, il est marquant, si tésigue peux
le fourliner, je te vais noner et nous faderons des sigues.
Tâte cet homme, regarde
si sa bourse est bonne, si tu peux la lui prendre, je te vas cacher, et nous
partagerons des pièces d'or.
Le trep aboule,
esbigne-toi et cavale dure.
Le monde vient, sauve-toi
et cours vite.
Calte, le pentre
se réchauffe.
Finis, le paysan s'en aperçoit.
Remouche donc
la bride de cette gonsesse, c'est du jonc.
Regarde
donc la chaine de cette femme, c'est de l'or.
Elle doit avoir
un bogue remouche la tournante.
Elle doit avoir une montre,
regarde la clé.
Cette sorgue
j'ai aquigé ma menesse.
Cette nuit j'ai battu ma
femme.
Ce qui me met
à renaud, c'est d'être entiflé de C.
Ce qui m'embête, c'est
d'être marié légitimement.
Mesigue je ne
suis qu'engoncé.
Moi je vis en concubinage.
Quand mesigue
ne l'aura plus à la bonne, je la balance.
Quand moi je n'en voudrai
plus, je la renvoie.
J'ai le béguin
pour une mistone de C.
J'aime
d'amour une demoiselle comme il faut.
Raplique à
la vanterne, rembroque qu'esqu'aboule.
Va
à la fenêtre, regarde qu'est-ce qui vient.
Veux-tu morfiller
de la japhe.
Veux-tu manger de la soupe.
Nous irons sur
le grand trimar escarper un gons.
Nous irons sur la grande
route assassiner un homme.
J'ai abloqui
des empafs une roue de derrière.
J'ai acheté des bottes
5 fr.
Mon gons est
au col.
Mon homme est en prison.
Rifondons don
nous ce satou lago.
Brûlons-nous
ce bois-là.
Le premier qui
boni une loffitude, je l'aquige.
Le
premier qui dit une bêtise, je le bats.
Aboule icigo.
Viens
ici.
Niberque je ne
veux pas m'aquiger avec tesigue.
Non
je ne veux pas me battre avec toi.
Je lensquine
des chasses, ma frangine est esbasis.
Je
pleure, ma soeur est morte.
Ma darone m'a
renaudé, je n'irai plus à la piaule.
Ma
mère m'a grondé, je n'irai plus à la maison.
J'ai floué
au brême, et j'ai paumé du pognon.
J'ai
joué aux cartes, et j'ai perdu de l'argent.
Gamberge la gouline
et fonce-moi mon fade.
Compte
ce qu'il y a dans la valise, et donne-moi ma part.
J'ai poissé
la fauf d'un drague, c'est du blencar.
J'ai
volé la tabatière d'un médecin, c'est de l'argent.
Conobles-tu un
fourgue qui bille bien.
Connais-tu
un receleur qui achète un bon prix.
Calte, la rousse
à l'arnache raplique.
Prends
garde, les agents de police en bourgeois viennent.
Bille à
picter aux grivées, quand ils seront pionvilles, nous esbignerons.
Paye
à boire aux soldats, quand ils seront saouls, nous nous sauverons.
Si on ne te conoble
pas, boni un centre à lestorgues.
Si
on ne te reconnaît pas, dis un nom comme il viendra.
Bacle la lourde
et au pieu.
Ferme la porte
et au lit.
Pictenchons-nous
pour deux ronds d'eau d'af.
Buvons-nous
pour deux sous d'eau-de-vie.
Niberque j'ai
le soufflet aquigé.
Non
j'ai mal à l'estomac.
J'aime mieux
poisser que de droguer.
J'aime
mieux voler que de demander.
Je suis pomé
maron male.
Je suis pris
flagrant délit.
J'ai escarpé
un cogne pour m'esbigner.
J'ai
tué un gendarme pour me sauver.
En descendant
de la roulotte, il faudra suriner ce pentre.
En
descendant de voiture, nous donnerons des coups de couteau à cet homme
là.
Niberque je ne
veux pas être fauché.
Non
je ne veux pas être guillotiné.
Vas donc frileux
propre à mibe.
Vas
donc peureux, propre à rien.
Tu as le taf
de Charlot.
Tu as peur du
bourreau.
Fonce-moi 2 ronds
et méche pour du tréfoin rifandeur et une boufarde.
Donne-moi
deux sous et demi pour avoir du tabac à fumer et une pipe.
J'ai organe,
allons-nous morfiller.
J'ai
faim, allons-nous manger.
Mon gons est
au jardin.
Mon homme est
allé faire un coup.
Ma menesse est
au persil.
Ma femme est en
promenade.
Morfillons-nous
un piquentère ou un engache.
Mangeons-nous
un poulet ou une oie.
Maquille tes
douilles et tes douillettes.
Arrange
tes cheveux et ta barbe.
Fonce moi une
limasse et des tirans.
Donne-moi
une chemise et des bas.
T'as beau bécher,
je rengracie, j'ai de la muette.
Tu
as beau me mépriser, je ne volerai plus, j'ai de la conscience.
Il y a trois
reluis, j'ai fait suer un chêne.
Il
y a trois jours, j'ai tué un homme.
Gouale devant
ces pentres, ils te fonceront des pognons.
Chante
devant ces paysans, ils te donneront de l'argent.
Sais tu maquiller
les caroubles.
Sais-tu faire
les fausses clés.
Esbigne en jargue
d'icigo.
Va-t-en sans payer
d'ici.
Fais foncer du
pelard et de la grenouze au gaille.
Fais
donner du foin et de l'avoine au cheval.
Ta menesse est
bien entapée.
Ta femme
est bien mise.
Tu n'as pas de
pafs aux paturons.
Tu n'as
pas de souliers aux pieds.
Et tésigue
pas de montant au prose.
Et
toi pas de pantalon au derrière.
Je me suis rifaudé
les pognes.
Je me suis brûlé
les mains.
Le cabe est cause
que nous sommes servis marons.
Le
chien est cause que nous sommes arrêtés avec preuve.
Mon pivas a deux
aquigeuses.
Mon enfant a
deux dents.
Aboule icigo
ou je t'aquige.
Viens ici
ou je te bats.
Viens-tu au vague
avec mesigue.
Viens-tu voler
avec moi.
Il n'y avait
que niberque, j'ai renaudé.
Il
n'y avait rien, j'ai été en colère.
Rengracié,
le pentre rembroque.
Finis,
l'individu nous regarde.
Un tel est maron
male, sur un écornage.
Un
tel est pris en flagrant délit à couper un carreau.
Refile-moi la
camelotte.
Passe-moi ce que
tu viens de voler.
Faut escarper
les coqueures.
Faut tuer
ceux qui nous dénoncent.
Remouche ce pentre,
il pionce, fourline-lui son ployant.
Regarde
cet homme, il dort, prends donc son portefeuille.
Il y a peut être
des talbins.
Il y a peut-être
des billets de banque.
J'ai maquillé
un tiroir à une boulanche cette sorgue.
J'ai
fait un trou à un volet cette nuit.
Quand le pentre
t'a rembroqué, tu as fargué.
Quand
l'homme t'a regardé, tu as rougi.
Remouche la cambriole
où va pioncer ce gniaire lago.
Regarde
la chambre où va coucher cet homme-là.
J'ai un rossignol
qui est chouette, il débride toutes les lourdes.
J'ai
une fausse clé qui est bonne, elle ouvre toutes les portes.
Niberque il y
a un cabot qui chialerait.
Non
pas, il y a un chien qui avertirait.
Flouons au frotin
ou au brême.
Jouons
au billard ou aux cartes.
Si je paume,
j'ai pas de poignon.
Si je
perds, je n'ai pas d'argent.
Ta bille est
toute gembergée.
Ton
argent est tout compté.
N'aboule pas,
je te bute.
Ne viens pas,
je te tue.
Je ne rigole
plus avec tésigue, tu morganes.
Je
ne ris plus avec toi, tu mors.
Ma menesse m'a
fait pioncer avec le cheval.
Ma
femme m'a fait coucher seul.
Aboule au vague,
voilà le tardif.
Viens
voler, voilà le soir.
Pour l'étalage,
c'est la plombe.
Pour ce
qu'il y a à la porte des boutiques, c'est l'heure.
Attends que le
pentre soit rentandé.
Attends
que l'homme soit rentré.
Vas-y desbrouf
à la tête du can, je te none.
Vas-y
hardiment devant tout le monde, je te cache.
Balance la camelotte,
ou tu es maron.
Laisse tomber
l'objet par terre, ou tu es pris.
Balance du tréfoin
dans les chasses du cogne et cavale dur.
Jette
du tabac dans les yeux du gendarme et cours vite.
Je solis du baveu,
y a de l'asfure.
Je vends
du savon à détacher, y a du bénéfice.
Tu n'auras pas
ton fade, tu es trop frileux, tésigue a manqué de faire servir
mésigue.
Tu n'auras
pas ta part, tu es trop peureux, tu as manqué de me faire arrêter.
J'ai été
escraché de la piaule.
J'ai
été renvoyé de la maison.
Le miston est
chouette, mais sa darone ne vaut que mibe.
Le
jeune homme est bon enfant, mais sa mère ne vaut rien.
Jean est gerbé
à 7 longes de dur et surbine à user le soleil.
Jean
est condamné à 7 années de travaux forcés et surveillance
de la haute police à vie.
J'ai grinchi
32 bogues en jonc à l'écornage.
J'ai
volé 32 montres en or par l'ouverture d'un carreau.
J'ai eu pour
mon fade 1,503 balles, 18 ronds et méche.
J'ai
eu pour ma part 1,503 fr. 92 c. et demi.
Ma ménesse
a reçue un coup de pateron dans le prose sa lui a aquigé.
Ma femme a recue un coup
de pied dans le derrière sa lui a fait mal.
Rembroque ce
bibon comme il remouche cette mistonne.
Regarde
ce vieux comme il regarde cette femme.
NOMENCLATURE
ET EXPLICATION
DES VOLS
DONT CHAQUE
JOUR TOUT LE MONDE EST
VICTIME, PRINCIPALEMENT
LES COMMERÇANTS.
LE VOL A L'ÉCORNAGE.
Ce
genre de vol se fait assez souvent par des gamins. Voilà comment se
fait le vol à l'écornage : ils s'approchent de votre magasin
et mettent entre le bois et le carreau la pointe d'un couteau, en pesant dessus
légèrement, ils obtiennent sans bruit une petite fente, et ensuite
en posant l'ongle du pouce dessus la félure, et pesant un peu, ils
font filer la fente par tous les zig zag qu'ils ont besoin d'obtenir ; en
faisant une seconde fente au même carreau, ils en obtiennent qui se
rejoignent (ce genre de vol s'effectue souvent chez les marchands de nouveautés)
; ils poussent légèrement en dedans, le morceau tombe sans bruit
sur une pièce d'étoffe, ils se sont pratiqué une ouverture,
et dévalisent ainsi la montre d'un honnête commerçant.
Si le coup manque, avant que le maître de la maison soit sorti, ils
sont déjà loin. Aussi vive la mode de Paris, le soir des grillages
en fer.
LE SAUT A LA MÉCANIQUE.
Lorsque
vous êtes dans un endroit sombre et désert, un homme vient doucement
derrière ou à côté de vous, vous jette un mouchoir
autour du cou et vous enlève sur ses épaules ; pendant qu'il
vous tient ainsi, un autre dévalise vos poches. Tous ne pouvez crier
ni vous défendre, lorsqu'ils ont fini, ils vous laissent sur la place
moitié sans connaissance par la strangulation.
Lorsque nous faisons route à
pied, ayons toujours un chien.
LE VOL AU RENDEZ-MOI.
Voici
de quelle manière ce genre de vol s'effectue : un individu se présente
chez un débitant, tel que épicier, marchand de vins, débitant
d'eau-de-vie, boulanger, charcutier, il achète quelque chose et paie
avec une pièce de cinq francs ; immédiatement après,
un autre individu, son compère, vient acheter quelque chose aussi,
il choisit le moment qu'il y ait beaucoup de monde à servir, et ne
se presse jamais de l'être ; cependant on lui délivre ce qu'il
demande, et il dit au marchand : rendez-moi sur la pièce de cinq francs
que je viens de vous donner. Le marchand dit n'avoir rien reçu, le
voleur s'obstine et prend même la première personne venue à
témoin, qui bien sûr dit n'avoir rien vu, alors il semble douter
de lui-même, et dit, au surplus, je n'avais que cinq pièces de
cinq fr. sur moi, ainsi nous allons voir : ce disant, il vide sa poche et
en extrait quatre pièces de cinq francs, et dit vous voyez ; puis il
regarde ces pièces et dit au marchand : tenez, pour mieux vous persuader,
je me rappelle que la pièce qui me manque était de 1828 et avait
une barre en travers du cou de Charles X, regardez dans votre comptoir, si
vous ne trouvez pas cette pièce, je déclare avoir perdu. Le
marchand, avec l'assurance qu'elle ne peut y être, regarde, et, à
son grand désapointement, la trouve, il est obligé de rendre
la monnaie. Le flibustier a toujours soin de prendre au plus pour 10 ou 20
centimes. Voilà comment s'exécute le rendez-moi.
SOLICEURE A LA POGNE.
Les
soliceures à la pogne sont des marchands qui s'habillent en marins
ou en soldats, qui n'ont jamais avec eux qu'une très-petite quantité
de marchandises. Habituellement les articles qu'ils tiennent sont les rasoirs
à deux lames, des couteaux, des montres en or, des madras, des mouchoirs
de batiste et des coupons de toiles, des services damassés. Les rasoirs
sont en fer, les montres en chrisocale ; les madras, mouchoirs, coupons de
toiles et service damassé, le tout est en coton apprêté,
ils s'annoncent chez vous, comme rentrant dans leurs foyers, et ayant passé
en contrebande l'objet qu'ils vous offrent, destiné à faire
un cadeau à leurs parents, mais ils ont encore loin pour arriver dans
leur pays, ils n'ont plus d'argent, et le besoin est la seule cause qu'ils
s'en défont, ils n'en connaissent pas le prix ; quoiqu'il en soit,
ils ne manquent pas de vous faire l'objet quatre fois plus que cela ne vaudrait
en bonne qualité, et n'importe quel prix vous en offrirez ; ils vous
le laissent ; ils gagnent encore moitié.
LES CAREURES EN GARGUES.
Les
careurs en gargues sont du genre fashionable, ils portent toujours des besicles,
ont l'air myope, entrent chez un bijoutier, ont un bijou de prix dont la pierre
est égarée, ils veulent la remplacer. Le bijoutier s'empresse
de leur en montrer de différentes espèces, et les prétendus
myopes s'approchent de très-près de la carte où se trouve
déposés brillants et perles fines, et avec leurs langues, attirent
subtilement dans leurs bouches plusieurs perles et diamants. Ces voleurs sont
rarement pris, et gagnent beaucoup.
LE VOL A LA MARQUE.
Voilà
un vol très-adroitement fait qui s'exécuta il y a quelques mois
chez un bijoutier de la rue Saint-Honoré. Un individu, richement vêtu,
se présenta chez lui, et demanda à voir quelques tabatières
en or, il fut dans l'indécis de savoir laquelle il choisirait dans
la crainte qu'elle ne convint pas à son épouse, et dit : c'est
une surprise que je lui ménage. Demain matin mon domestique viendra
vous avertir, et vous viendrez avec lui chez moi, vous apporterez celles qui
sont émaillées, c'est celles qui seront le plus à son
goût ; le bijoutier le reconduit avec force compliments. Et en effet,
le lendemain, à huit heures du matin, un domestique à livrée
élégante se présente et dit : Monsieur, veuillez m'accompagner
chez M****. L'honnête commerçant s'empresse de suivre ce jokei,
qui lui dit : nous allons rue Lafitte, 12. Quelques instants après,
il se rappelle avoir oublié une commission que Madame lui a donné,
et qui va lui faire avoir de grands désagréments, c'est à
deux pas, il engage le bijoutier à continuer jusqu'à l'hôtel,
ce que celui là fait. Notre prétendu domestique arrive tout
essoufflé chez le bijoutier et demande que l'on lui remette les boîtes
marquées IIKV et XXIXV, etc., etc., il en obtient six ; le bijoutier
vient de sortir un instant auparavant avec ce domestique, il demande avec
des renseignements trop positifs pour que l'on conçoive l'ombre du
doute, l'on remet les objets au faux domestique. Au bout de quelques instants,
le malheureux bijoutier revient chez lui tout désappointé de
ne pas avoir trouvé à l'adresse indiquée ce qu'il cherchait,
et il l'est bien plus, quand il apprend la manière dont il est floué.
LE VOL AU CONOBLEMENT.
Un
individu porte chez un horloger une montre à arranger, et ne manque
pas en même temps de saisir l'un des noms sur certaines montres en réparation,
et sachant le nom, il le donne à un de ses complices, qui vient avec
hardiesse chez le bijoutier : voulez-vous me remettre la montre de M.....?
le bijoutier n'hésite nullement, la donne ; et le voleur s'en va.
LE VOL AU POIVRIER.
Ce
sont ceux qui, les dimanche et lundi soir, rodent les barrières et
les boulevarts extérieurs, où ils ne manquent pas de trouver
des hommes ivres, ils les dévalisent.
LE VOL A L'ATTRAPAGE.
Le
vol à l'attrapage se fait ainsi : un individu vous cherche dispute,
vous vous battez, d'autres de ces affidés viennent pour vous séparer.
Bousculé d'un côté et d'un autre, il vous dévalise
sans que vous vous en doutiez.
LE VOL A LA FOURLINE.
Les
fourlineurs sont ceux qui vont dans les réunions, dans les assemblées
et vous volent dans vos poches ce qu'ils peuvent y fourliner. Le fourlineur
a toujours avec lui deux ou trois acolytes qui s'appellent ses nones (il le
none veut dire, il le cache), il s'arrange de manière à ce qu'il
ne soit pas vu, car le fourlineur a plus à craindre des autres que
de vous-même qu'il vole.
LE VOL A LA RAMASTIQUE.
Souvent
ils sont habillés et portent le mannequin comme les chiffoniers, ils
affectent devant quelqu'un de trouver, de ramasser un objet quelconque, soit
une bague, soit une cuillère à café, ils ont toujours
soin de le ramasser de manière à ce que vous le remarquiez,
il vous offre de vous le vendre, dans l'idée de faire un bon marché,
vous ne manquez pas d'en offrir un prix ; le ramastiqueur vous le laisse toujours,
la bague est en argent doré et la cuillère en maillechiort.
LE VOL A L'ÉTALAGE.
Ce
sont ceux qui agrippent tout ce qu'ils trouvent à la porte des magasins,
ils sont presque toujours en blouse, les mains dans leurs poches et par-dessous
leur blouse, ils empoignent tout ce qu'ils trouvent.
LE VOL AU RACOLAGE.
C'est
celui qui vous arrête dans la rue et vous offre une reconnaissance du
mont de piété à acheter, c'est, dit-il, celle de sa montre
qu'il a mis là, faute d'ouvrage, et que le besoin de s'en retourner
à son pays le force à vendre la reconnaissance à son
grand regret, une si bonne montre qui venait de son père, la montre
n'est engagée que pour 6 francs, il n'a pas voulu plus, croyant avoir
plus de facilité à la retirer, mais l'on lui en a offert 18
fr. il n'a jamais que la petite reconnaissance, car la grande porte l'estimation.
Encore les gens de province à qui il s'adresse ne connaissent pas le
train-train du mont de piété, ils y seraient pris de même.
Enfin il vous offre la reconnaissance en pleurant de se détacher d'une
aussi bonne montre, il vous la laisse pour 10 francs, et 6 du prêt,
çà fait 16, la montre en vaut 30, elle n'en vaut pas 6, car
les commissionnaires au mont de piété forcent toujours le prêt.
LE VOL A LA CHARITÉ.
Le vol à la charité
s'exécute en faisant l'aumône. Voici comment : un individu bien
mis, entre chez un bijoutier, demande à voir des bijoux, et en les
regardant, il tâche, sans que le bijoutier s'en aperçoive, de
laisser tomber un bijou par terre ; s'il le voit, c'est par mégarde,
s'il ne le voit pas, un instant après le bijou tombé, un mendiant
vient demander la charité, et le voleur lui tend une pièce de
monnaie, elle lui échappe des mains ; le mendiant la ramasse, et en
méme temps le bijou. Si le joaillier s'aperçoit du déficit
et le manifeste à celui qui, après l'avoir amusé longtemps,
s'en va sans rien acheter ; impunément il lui offre de le fouiller,
il est bien sûr que l'on ne trouvera rien sur lui.
LA BOITERNIÈRE.
Les
boiternières sont porteuses d'une boîte très bien garnie
de bijoux tous plus beaux les uns que les autres. Chaque objet est coté
suivant la valeur que la boiternière veut lui donner ; au milieu, habituellement,
il y a une montre cotée 350 francs ; ce jeu se joue ainsi : elles ont
un cornet en cuir, dans lequel elles roulent plusieurs dez que l'on jette
au hazard ; la boiternière, pour vous exciter à jouer, vous
fait jouer un coup pour rien, alors vous gagnez, car les dès sont préparés
pour réussir, mais lorsque vous jouez pour tout de bon, elle substitue
aux dès avec lesquels vous avez joué des dès pipés
en sens contraire, et si la boiternière vous laisse gagner, ce n'est
qu'une amorce pour mieux vous flouer.
Messieurs, méfiez-vous,
la boiternière, si elle n'est pas toujours jolie, a tout au moins une
toilette très-attrayante, un air agaçant et comprenant fort
bien la gaudriole, mais ces plaisanteries se tournent toujours aux dépens
des mesières (des messieurs).
LES RIFAUDEURS.
Les
rifaudeurs sont une secte bien à craindre, ils s'affublent en mendiants,
vont demander l'hospitalité, et dans la nuit, jettent des boulettes
incendiaires, s'esbignent et s'en vont.
FAIRE LE GREC.
Ce
sont de ces filous qui rodent les cafés à deux, et qui, sans
avoir l'air de se connaître, se connaissent fort bien, l'un d'eux vous
lie conversation et finit toujours par vous offrir une partie de cartes ;
son collègue se place derrière vous, à certain signe,
soit en portant la main au chapeau, soit aux yeux, soit au nez, enfin à
des signes convenus entr'eux, votre adversaire connaît tout votre jeu,
son collègue qui fait le Grec le lui dit.
Ne souffrez jamais personne derrière
vous quand vous jouez.
LE VOL AU BONJOUR.
Ce
genre de vol s'exploite le matin de bonne heure. Le bonjourier met la main
sur tout ce qu'il trouve, gare aux voisines qui vont les unes chez les autres
et laissent la porte entr'ouverte ; il faut peu de temps au bonjourier pour
travailler.
LE VOL A L'ESCARPE.
Sont
ceux qui rôdent la nuit, assassinent le monde, les jettent à
l'eau, ceci me rappelle un tour assez plaisant fait par M.***, commissaire
de police. Une nuit, à 3 heures du matin, une fruitière descendait
du côté du marché des Innocents, elle suivait le long
du canal et entendit comme une masse tomber dans l'eau ; elle entendit se
débattre et ne douta plus de l'affreuse vérité, c'était
un homme que l'on venait de jeter à l'eau ; elle ne dit rien et se
cacha derrière un tas de pierres, elle entendit le dialogue suivant
entre deux escarpes : pour 16 ronds, ça ne valait pas la peine de nettoyer
un gons, peut-être, répondit l'autre, et 15 balles demain quand
nous le retirerons, ils s'en allèrent. Plus morte que vive, la fruitière
sortit de sa cachette et alla faire sa déclaration chez le commissaire
du quartier.
En effet, le lendemain deux hommes
se présentent chez M.*** pour recevoir la récompense accordée
par la loi à ceux qui retirent un cadavre de l'eau. Sur leur réclamation,
le commissaire leur compta leur argent, c'est-à-dire 14 fr. 20 c.,
ce n'est pas le compte, dit l'un, si, répondit avec sangfroid l'intelligent
commissaire, avec les 16 ronds que vous lui avez pris hier avant de le balancer
dans la grande tasse, les deux escarpes se trouvèrent décontenancés,
et le commissaire, profitant de son influence, obtint l'aveu du crime qu'avaient
commis les deux escarpes.
LE VOL A LA CLAVETTE.
Le
vol à la clavette s'exécute par le trou qui se trouve pratiqué
à la devanture des boutiques pour l'introduction des boulons qui servent
à la fermer, si vous ne mettez que le boulon et non la clavette qui
sert à le retenir, les voleurs le retirent et introduisent par le trou
un fil de fer crochu, et parviennent à attirer à eux soit un
bout de dentelle, ou le coin d'un foulard ; une fois qu'ils en tiennent un
petit bout, le reste est bientôt à eux.
LE VOL AU RADIN.
Le vol au radin se trouve effectué
par de petits garçons, sous les ordres de grands bandits. L'hiver est
très favorable à ce genre de vol, ils profitent de 4 à
5 heures de l'après midi, c'est l'heure habituelle où les commerçants
sont dans l'arrière boutique à dîner, ils s'introduisent
à quatre pattes et se glissent dans toutes les sinuosités ombrées
où la lumière darde le moins ; ils arrivent enfin au comptoir
et se blotissent dessous ; quelquefois même une pratique entre, et vous
la servez, le petit voleur touche presque vos pieds, et vous ne vous en apercevez
pas ; il profite du moment le plus favorable, et s'enfuit avec votre radin,
(le tiroir de votre comptoir), si le tiroir, à son grand désapointement,
est fermé, il empoigne ce qu'il trouve.
LE VOL A LA VENTERNE.
Le
vol à la venterne est également exécuté par des
enfants. L'été souvent on laisse ses fenêtres ouvertes
le soir, quelquefois même l'on se couche ainsi, rien n'est plus dangereux
pour les personnes qui habitent rez-de-chaussée et premier, de grands
hommes ont avec eux des gamins qu'ils enlèvent par les pieds à
bout de bras, du moment où ils peuvent atrapper le dernier barreau,
ils sont bientôt chez vous ; quelquefois même, quand c'est trop
haut, ils ont une corde au bout de laquelle se trouve un crampon, ils le lancent,
et grimpent à la croisée le long de cette corde. Ce genre d'industrie
s'appelle marcher à la venterne.
LE VOL AU BENJAMIN.
S'effectue
habituellement par des marchands de mouchoirs : ils n'ont plus que ces six,
ils les sortent de leur blouse, car ils n'ont pas, vous disent-ils, de patentes,
le commissaire a voulu leur en faire prendre une, mais ils n'ont pas le moyen,
aussi vendent-ils en cachette. Voyons, madame, mes six derniers pour tel prix,
vous les regardez et vous offrez le vôtre, ils les reploient, cela est
impossible, les remettent sous leur blouse et vous disent : eh bien ! Madame,
décidément voulez-vous mettre tant, non, ils vous les donnent,
mais ils ont changé le paquet qu'ils vous donnent, il n'y en a plus
que quatre ou six, mais un tiers plus petit. Cette substitution s'appelle
faire le benjamin.
VOL A LA ROULOTTE.
Les
roulotiers sont des gens qui sont à la piste des voitures de roulage
et des diligences, des voitures de blanchisseuses. La nuit, sur la route,
ils coupent les baches de vos voitures et attrapent ce qu'ils peuvent. Quelquefois
un roulier traîne pendant une heure son voleur sans s'en apercevoir.
Les camioneurs aussi à Paris sont bien susceptibles d'être victimes
des roulotiers ; aussi ayez des chiens sous vos voitures, et au premier avertissement,
regardez.
LE VOL AU CAFEMON.
Le vol au cafemon s'exécute
ainsi : un individu vient au café, commande 12 demi-tasses qu'il faut
apporter la maison à côté, l'individu attend le garçon
dans l'escalier, lorsque celui-ci arrive, il lui dit : combien apportez-vous
de demi tasses, 12, dit le garçon, mais je vous en ai demandé
14, donnez-moi cela et courez en chercher deux autres, le crédule garçon
y va, et en revenant, trouve dans l'escalier sa corbeille garnie de tout comme
avant, seulement il trouve 12 petites cuillères de moins, il a beau
demander à tout le monde M. Charles, un grand blond, ou un petit brun,
qui doit demeurer au troisième la porte à gauche, personne ne
le connaît.
LE VOLEUR AU DIGUE DIGUE.
Il
entre une dame bien mise dans un magasin, qui y fait des emplettes magnifiques,
elle a presque terminé ses achats, d'autres, ses complices, arrivent,
le magasin se trouve de suite garni d'acheteurs et acheteuses, tout-à-coup
cette dame tombe des attaques de nerfs, cela s'appelle tomber du digue digue
; tout le monde quitte son rayon pour la secourir, elle demande de l'éther,
l'on courre en chercher, et pendant ce temps les autres travaillent (les autres
vous volent) ; enfin elle va mieux, mais veux prendre l'air un peu, elle sort,
et vous ne la revoyez plus.
LE VOL AU CAROUBLE.
Le
vol au carouble, ou vol à l'aide de fausses clés, s'exécute
presque toujours d'après le consentement de personnes qui vous sont
attachées par domesticité ou par d'autres qui y sont reçues
souvent. Ce sont ceux desquels vous vous méfiez le moins qui donnent
aux caroubleurs l'empreinte de votre clé, et d'après l'empreinte
prise sur la cire, ils en font une pareille. Alors l'on convient du jour et
de l'heure où le vol doit s'effectuer, et ceux à qui vous contez
votre mésaventure ont souvent partagé dans le vol.
Méfiez-vous surtout de
laisser la clé de votre chambre en dehors sur la porte, car les caroubleurs
montent dans les maisons et tirent doucement votre clé, et la posant
sur toute face sur de la cire amodelée, rien n'est plus facile d'en
faire une pareille ; si un léger bruit vous donne l'éveil, vous
les trouvez à votre porte, ils vous demandent très gracieusement
après M. ou Mme un tel.
LE VOL AU COMMIS.
Un
individu vient dans un magasin et demande à voir ce que l'on a de plus
beau en cachemire, il en achète un et dit que l'on le lui envoie immédiatement,
le patron de la maison remet le cachemire à son commis, ainsi que la
facture, le commis accompagne le Monsieur qui le conduit dans une des belles
rues de la Chaussée d'Antin, et lui dit, au moment où il frappe
à la porte d'un magnifique hôtel, remettez-le moi, que j'aie
le plaisir de le présenter en entrant, ce que le commis fait sans difficulté
; la porte s'ouvre, il fait entrer le commis le premier, et la referme avec
vîtesse ; le temps que le portier ait dit : qui demandez-vous, et qu'il
n'ait tiré le cordon, le voleur est loin.
LE ROSSIGNOLEUR A LA FLANC.
Le
rossignoleur est celui qui porte avec lui une quantité de crochets
semblables à ceux dont se servent les serruriers, et qui monte au hasard
dans une maison ; il frappe à la porte, et si personne ne répond,
il se met en exécution. Ce vol s'appelle à la flanc. Méfiez-vous
des gens qui ne sont pas de la maison et que vous voyez rôder dans les
escaliers, demandez-leur hardiment ce qu'ils veulent, ils vous demanderont
un centre à la flanc, (un nom au hasard), et se cavaleront, car le
pentre sera réchauffé ; ils vous demanderont un nom au hasard,
ils s'en iront, car vous vous serez douté de quelque chose.
ALLER AU FRICFRAC.
Ce genre de vol s'effectue
dans le même genre que le rossignoleur à la flanc, à l'exception
qu'après s'être assuré de l'absence des personnes, il
sorte de dedans leur pantalon une pince en fer, et soulève votre porte
ou la casse. Le voleur au fricfrac est reconnaissable, il n'a qu'une main
à son service et marche raide, car la barre de fer dans son pantalon
le gêne à marcher, et une de ses mains est occupée à
la retenir.
FIN.
NOTA
: Les Mystères de Paris, roman d'Eugène Sue (1804-1857), paru en 1842-1843.
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